Produire et se reproduire: La domesticité comme solution?

Le déplacement des soins aux populations du service public vers le marché à l’aune duquel elles sont une opportunité de profit a dynamisé le secteur des services au domicile. Cette reconfiguration du travail reproductif, articulée à celle du travail productif , tant à l’échelle nationale que mondiale, est explorée par Alizée Delpierre qui, à partir de l’analyse des transformations de la division du travail reproductif montre que la « domination rapprochée » que constitue le rapport de domesticité, échappant aux formes standard de l’emploi, reconduit les hiérarchies genrées et raciales.

De l’intelligence artificielle, de Lénine et des cuisinières

Afin de dépasser l’opposition entre technosceptiques et tenants du scientisme, Hugo Pompougnac nous invite à analyser le basculement scientifique et technologique induit par la généralisation de l’intelligence artificielle au prisme du marxisme et du matérialisme. Le débat se recentre ainsi sur ses effets sur la division du travail entre travail mort – l’automatisation amenée à dominer – et travail vivant, les forces productives et leur avenir. L’enjeu de la mobilisation de ces innovations technologiques par les exploités ouvre alors de nouvelles perspectives en vue de leur émancipation et d’un changement révolutionnaire.

Nos quotidiens face à ChatGPT. Quand la technologie interroge notre rapport aux savoirs

Disponible pour le public depuis fin novembre 2022, le robot conversationnel ChatGPT est rapidement devenu un symbole de la présence chaque jour plus imposante de l’intelligence artificielle dans nos vies. Dans cet article, Aurélie Biancarelli nous invite à interroger notre rapport aux savoirs et à l’apprentissage qui se trouve profondément changé avec l’utilisation de cet outil. Produisant des réponses consensuelles à partir de la collecte de grandes quantités d’informations, l’un de ses dangers réside dans la complexité et l’opacité des technologies de deep learning qu’il met en œuvre et dans l’instrumentalisation à des fins idéologiques que peuvent en faire les classes dominantes. Pour ne pas tomber dans ces écueils, il est ainsi essentiel de replacer la pensée critique et rationnelle au centre des apprentissages et d’assurer la maîtrise démocratique de ces nouveaux outils dont toute interdiction est vaine.

Inégalités territoriales et trajectoires scolaires de jeunes des quartiers populaires

Dans l’enquête ethnographique qu’il a menée de 2005 à 2015 auprès d’anciens élèves, du bac jusqu’à la fin de leurs études, le sociologue Fabien Truong offre un éclairage sur les inégalités territoriales à partir du rapport contradictoire qu’entretiennent les jeunes de banlieues populaires à la fréquentation des institutions scolaires et universitaires.. Entretien

Comment la consommation contribue à fabriquer des groupes sociaux

La diversité des pratiques de consommation sont autant de signes distinctifs d’appartenance à des groupes sociaux. Ces luttes symboliques participent pleinement à la stratification sociale. Depuis l’ouvrage séminal de Thorstein Veblen, de nombreux travaux se sont saisis de cet enjeu. Dans cet article Hélène Ducourant présente l’état de la recherche en sociologie sur cet objet. Elle montre comment les goûts et les pratiques de consommation afférentes classent les individus en délimitant des frontières entre les groupes, et en les hiérarchisant.

Le mythe de la consommation responsable: une histoire d’enfants gâtés?

Tout changer pour que rien ne change. Ainsi en va-t-il du capitalisme verdâtre que certains s’évertuent à garantir plus « responsable ». Arrimées à un impératif de croissance économique, les pratiques de consommation éco-responsables comme facteur central de la transition écologique reposent sur la production et la diffusion d’une morale consumériste réformée. Fanny Parise montre qu’il s’agit d’une illusion éludant les enjeux politiques et environnementaux de la production et de la distribution des marchandises.

Le projet d’une société chinoise de consommation

De la nécessité au plaisir, le développement du marché intérieur de la Chine a permis à une partie de sa population d’améliorer ses conditions de vie. En réorientant vers les ménages la distribution des biens qu’il produit, l’« atelier du monde » a relancé la consommation du pays pour assurer sa croissance économique. Dans cet article, Gilles Guiheux examine le renversement de l’attitude du Parti communiste chinois à l’égard de la consommation dans la seconde partie du 20e siècle. Il montre ainsi comment à partir des années 1990, la consolidation de la classe moyenne participe d’un projet politique d’organisation de la paix sociale, laissant les classes populaires aux marges de cette félicité économique.

Dépenses énergétiques en Allemagne: des inégalités aggravées par la crise en 2022

La hausse drastique des prix de l’énergie en Europe est une des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Particulièrement dépendante de l’importation de gaz russe, l’Allemagne est désormais confrontée à un risque accru de précarité énergétique pour une part importante de sa population. En s’appuyant sur diverses études statistiques, Rachel Guyet met en lumière les apories des mesures d’aides financières prises par le gouvernement allemand pour soutenir les dépenses énergétiques des citoyens. L’autrice montre ainsi que ces mesures ne parviennent pas à réduire les inégalités sociales relatives à la consommation énergétique.

Militer pour mieux consommer

Pour les thuriféraires de la démocratie réalisée par l’économie de marché, la consommation relève du plein exercice citoyen de la participation politique. Depuis les années 1970, elle fait également l’objet d’un investissement militant visant à protester contre les pratiques jugées néfastes de certaines entreprises. Diverses formes d’engagement pour et par une consommation responsable et éthique contribuent ainsi à politiser cet enjeu. Dans cet article, Philip Balsiger en présente les différentes aspects, historiques et stratégiques, tout en questionnant les limites de ce militantisme moral qui permet à la petite-bourgeoisie et à la bourgeoisie culturelles portant ces revendications de se démarquer des autres classes sociales.

L’obsolescence programmée: une histoire de consommation

Inventée par un agent immobilier américain comme solution à la Grande Dépression, pour lutter contre le chômage de masse en renforçant l’activité des entreprises, la notion d’obsolescence programmée pose la question de la soutenabilité d’une politique économique de consommation et de production intensives qui engendre une démultiplication des déchets. Du raccommodage au gaspillage, le rapport aux objets – notamment à leur durée d’usage – s’est modifié à mesure que se généralisait l’accès aux biens de consommation, produits en quantité exponentielle. Julie Madon traite ici du problème de l’obsolescence des objets en l’insérant dans une histoire plus large de la consommation.