Dans la préface de son livre, «Révolution», histoire d’un mot (Paris Gallimard, 1989, p. 16), Alain Rey résume cette histoire qu’il développe ensuite amplement dans cet ouvrage passionnant et instructif:
On va voir comment le trajet sémantique et opératoire de ce mot le conduit de l’astronomie, de la chronologie et d’un concept médiéval, nourri par la philosophie antique, à l’appréhension des incohérences de l’histoire. Mot à la mode dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, devenu plurivoque et ambigu, élément actif du discours des Lumières, révolution se charge de valeurs éthiques et affectives. Elles sont surtout négatives, évocatrices de brusquerie, de brutalité, de violence. Le changement progressif de ce mot, qui passe alors du catastrophisme au très ancien prophétisme messianique, du regard sévère sur le passé de l’homme (Bossuet) aux considérations inquiètes sur son présent, puis aux espoirs utopiques et enfin aux projets de lutte, à la fois destructeurs et rénovateurs, caractérise une immense mutation de la pensée, de la science et de l’histoire. Révolution l’incarne à partir du moment où des crises politiques majeures — l’Angleterre du XVIIe siècle, les colonies anglaises d’Amérique, puis la France au XVIIIe —, symptômes du décalage entre la conscience et le vécu social, reçoivent son nom et en retour le transforment en emblème. Pour le français, mais aussi pour l’anglais (Burke), pour l’allemand (Hegel, Marx), pour le russe sans attendre Lénine, 1789 est le grand repère symbolique qui modifie les conditions d’emploi du vocable et les contenus du concept. Le XIXe siècle entérine et dépasse cette situation. Les emplois multiples, bénins ou grandioses, du mot se réduisent et l’élément dominant devient la référence politique, à laquelle se joignent les allusions de plus en plus nécessaires aux structures en conflit de la société — les socialismes — et de l’économie : la révolution industrielle, commencée en Angleterre, est perçue et nommée à partir des saint-simoniens. Cependant, la connaissance scientifique de la nature, de son « histoire » fait alors grand usage de révolution (Cuvier) ; mais ici l’importance du mot diminue et un terme proche par l’origine et les sons, évolution, va l’éclipser.
Le réseau Canopé propose de découvrir le mot révolution. L’explication et la découverte de ce mot sont basées sur la chronique d’Yvan Amar, « Les douze mots de l’histoire » sur RFI (2013, 1,59 min).