Lecture en cours
5000 ans de dette comme arme de dépossession: briser le cercle vicieux des dettes privées illégitimes (I)

5000 ans de dette comme arme de dépossession: briser le cercle vicieux des dettes privées illégitimes (I)Temps de lecture : 11 minutes

Éric Toussaint a autorisé à Silo à reproduire cet article initialement publié, le 28 mars 2017, sur le site du CADTM.

L’endettement privé a servi depuis le début de l’Histoire, il y a 5 000 ans, à asservir, à spolier, à dominer, à déposséder les classes populaires (au sein desquelles les femmes sont au premier rang des victimes), les classes travailleuses: petits paysans, artisans, pêcheurs, jusqu’aux salariés modernes et aux membres de leur foyer (les étudiants qui s’endettent pour poursuivre des études). Le processus est simple: le prêteur exige de l’emprunteur que celui-ci ou celle-ci mette en gage ce qu’il possède. Il s’agit, par exemple, de la terre possédée et cultivée par le paysan, ou des outils de travail s’il s’agit d’un artisan. Le remboursement du prêt se fait en nature ou en monnaie. Comme le taux d’intérêt est élevé, pour rembourser le prêt, l’emprunteur est obligé de transférer au prêteur une grande partie du produit de son travail et s’appauvrit. S’il entre en défaut de paiement, le prêteur le dépossède du bien qui a été mis en gage. Dans certaines sociétés, cela peut aboutir à la perte de la liberté du débiteur et/ou de membres de sa famille. C’est l’esclavage pour dette. Aux États-Unis et dans certains pays européens, le défaut de paiement pouvait être sanctionné par la loi par des mutilations physiques jusqu’au début du 19e siècle. Jusqu’à aujourd’hui, le non-paiement de dettes est passible de peines d’emprisonnement que ce soit en Europe ou ailleurs.

Dettes privées à travers les âges

Depuis 5 000 ans, les dettes privées jouent un rôle central dans les relations sociales. La lutte entre les riches et les pauvres, entre exploiteurs et exploités, a pris très souvent la forme d’un conflit entre créanciers et débiteurs. Avec une régularité remarquable, des insurrections populaires ont commencé de la même manière : par la destruction rituelle des documents concernant la dette (tablettes, papyrus, parchemins, livres de comptes, registres d’impôts…).

La nouvelle crise internationale qui a commencé en 2007 a mis à nu le comportement frauduleux des banques. Suite aux expulsions massives de logements qui ont suivi aux États-Unis, en Espagne et ailleurs, de plus en plus de personnes remettent en question les dettes dans des pays où habituellement l’obligation de rembourser un crédit était incontestée. Ada Colau, élue maire de Barcelone en 2015, a rassemblé autour de sa personne, à partir de 2012, un important soutien populaire en participant activement à la plate-forme contre les expulsions de logements réalisées par les banques à l’encontre des familles incapables de continuer à payer leurs dettes hypothécaires. Quelques années auparavant, il aurait été inimaginable qu’une femme ou un homme soit élu à de hautes fonctions après avoir organisé des occupations illégales de banques pour défendre des familles ayant suspendu le paiement d’une dette. Aux quatre coins de la planète, des mouvements sociaux remettent en cause le paiement des dettes privées illégitimes qu’elles soient hypothécaires ou étudiantes, qu’elles soient réclamées par de grandes banques privées ou par des agences de microcrédit.

Voici à grands traits quelques étapes historiques du « système dette privée » au Proche-Orient, en Europe et dans des parties du monde conquises par des puissances européennes. Il faudrait compléter avec ce qui s’est passé en Asie, en Afrique, dans les Amériques précoloniales, mais le tableau brossé ici est déjà très éloquent.

Les annulations générales de dette se sont échelonnées sur 1000 ans en Mésopotamie

Lors de mauvaises récoltes, l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les paysans de rembourser les dettes contractées auprès de l’État (impôts en nature impayés) ou auprès de hauts fonctionnaires et de dignitaires du régime aboutissait régulièrement à la dépossession de leurs terres et à leur asservissement. Des membres de leur famille étaient également réduits en esclavage pour dette. Afin de répondre au mécontentement populaire, le pouvoir en place annulait périodiquement les dettes privées[1] et restaurait les droits des paysans. Les annulations donnaient lieu à de grandes festivités au cours desquelles on détruisait les tablettes d’argile sur lesquelles les dettes étaient inscrites.

Il y a eu une trentaine d’annulations générales de dettes privées en Mésopotamie entre 2400 et 1400 avant l’ère chrétienne[2]. Un des décrets d’annulation précise que les créanciers officiels et les collecteurs de taxes qui ont expulsé des paysans doivent les indemniser. Si un créancier avait accaparé un bien par la pression, il devait le restituer et/ou le rembourser en entier, faute de quoi il était mis à mort.

Après 1400 avant l’ère chrétienne, on n’a trouvé aucun acte d’annulation de dette en Mésopotamie. Les inégalités s’étaient fortement renforcées et développées. Les terres ont été accaparées par de grands propriétaires privés, l’esclavage pour dette s’est enraciné. Au cours des siècles qui suivirent, on a néanmoins la preuve de luttes sociales violentes entre créanciers et endettés.

À partir du 8e siècle av. J.-C., on trouve en Égypte des proclamations d’annulation de dettes et de libération des esclaves pour dette. Une des motivations fondamentales des annulations de dette était que le pharaon voulait disposer d’une paysannerie capable de produire suffisamment de nourriture et disponible pour participer à des campagnes militaires. Pour ces deux raisons, il fallait éviter que les paysans soient expulsés de leurs terres par les créanciers.

Dans une autre partie de la région, on constate que les empereurs assyriens du 1er millénaire av. J.-C. ont adopté la tradition d’annulations des dettes. Il en a été de même à Jérusalem, au 5e siècle av. J.-C.. Pour preuve, en 432 av. J.-C., Néhémie, certainement influencé par l’ancienne tradition mésopotamienne, proclame l’annulation des dettes des Juifs endettés à l’égard de leurs riches compatriotes. C’est à cette époque qu’est achevée la Torah[3]. La tradition des annulations généralisées de dette fait partie de la religion juive et des premiers textes du christianisme via le Deutéronome qui proclame l’obligation d’annuler les dettes tous les sept ans et le Lévitique qui l’exige à chaque jubilé, soit tous les 50 ans[4].

Durant des siècles, de nombreux commentateurs des textes anciens, à commencer par les autorités religieuses qui sont du côté de classes dominantes, ont affirmé que ces prescriptions n’avaient qu’une valeur morale ou constituaient des vœux pieux. Or les recherches historiques des deux derniers siècles démontrent que ces prescriptions correspondent à des pratiques avérées.

Lorsque les classes privilégiées ont définitivement réussi à imposer leurs intérêts, les annulations n’ont plus eu lieu, mais la tradition d’annulation est restée inscrite dans les textes fondateurs du judaïsme et du christianisme. Des luttes pour l’annulation des dettes privées ont jalonné l’histoire du Proche-Orient et de la Méditerranée jusqu’au milieu du premier millénaire de l’ère chrétienne.

Dans le « Notre père », la prière de Jésus la plus connue, au lieu de la traduction actuelle « Seigneur pardonnez-nous nos offenses (péchés) comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », le texte grec originel de Matthieu (ch.6, verset 12) dit : « Seigneur, annulez nos dettes comme nous annulons les dettes de ceux qui nous en doivent ». D’ailleurs, en allemand et en néerlandais, le mot « Schuld » exprime le péché et la dette. Alléluia, ce terme qui est signe d’allégresse et est utilisé dans les religions juives et chrétiennes, provient de la langue parlée à Babylone au 2e millénaire avant l’ère chrétienne et signifiait la libération des esclaves pour dette[5].

Grèce. En Grèce, à partir du 6e siècle avant l’ère chrétienne, on assiste à des luttes très importantes contre l’esclavage pour dette et pour l’annulation des dettes privées du peuple. Aristote écrit dans La constitution des Athéniens : « Les hommes pauvres avec leur femme et leurs enfants devinrent les esclaves des riches ». Des luttes sociales et politiques se développèrent et aboutirent à des dispositions légales interdisant l’esclavage pour dette, il s’agit notamment des réformes de Solon à Athènes. À Mégare, une ville voisine d’Athènes, une faction radicale fut portée au pouvoir. Elle interdit les prêts à intérêt et le fit de manière rétroactive en forçant les créanciers à restituer les intérêts perçus[6].

Dans le même temps, les villes grecques se sont lancées dans une politique d’expansion fondant des colonies de la Crimée jusqu’à Marseille, notamment avec les enfants des pauvres endettés. L’esclavage s’y développa fortement et d’une manière plus brutale et oppressive que dans les sociétés du Croissant Fertile qui ont précédé.

Rome. De nombreuses luttes politiques et sociales violentes ont été causées par des crises de la dette privée. Selon la loi romaine primitive, le créancier pouvait exécuter les débiteurs insolvables. La fin du 4e siècle av. J.-C. a été marquée par une forte réaction sociale contre l’endettement. Si l’esclavage pour dettes a été aboli pour les citoyens romains, l’abolition du prêt à intérêt n’a pas été longtemps appliquée. De fortes crises d’endettement privé se sont produites dans les siècles suivants tant dans la péninsule italienne que dans le reste de l’Empire romain. L’historien Tacite écrivait à propos d’une crise d’endettement qui se produisit en 33 ap. J.-C., sous le règne de Tibère : « Le prêt à intérêt était un mal invétéré dans la cité de Rome, et une cause très fréquente de séditions et de discordes ; aussi le refrénait-on même dans les temps anciens… »[7].

Féodalité. Au début de la féodalité, une grande partie des producteurs libres a été,  car les paysans accablés de dettes sont incapables de rembourser leurs dettes. C’est le cas notamment pendant le règne de Charlemagne à la fin du 8e et au début du 9e siècle[8].

Les religions juive, musulmane et chrétienne par rapport aux prêts à intérêt

Depuis son origine, la religion musulmane interdit le prêt à intérêt. Le judaïsme l’interdit au sein de la communauté juive, mais a amendé cette position sous la pression des riches et l’a autorisé à partir du premier siècle de l’ère chrétienne[9]. La religion chrétienne l’interdit jusqu’au 15e siècle. Les autorités protestantes et catholiques finissent par le promouvoir.

En Europe, la problématique des dettes privées reprend une forme exacerbée à la fin du Moyen Âge

La problématique des dettes privées reprend une forme exacerbée à partir des 13e et 14e siècles avec la monétarisation des relations. En effet, les corvées et les impôts en nature ont été progressivement remplacés par des sommes d’argent. En conséquence, les paysans, les artisans, etc. doivent s’endetter afin de payer les impôts. N’arrivant pas à rembourser, de plus en plus de paysans, d’artisans ou d’ouvriers sont victimes de saisies, ils sont dépossédés et/ou emprisonnés, et souvent mutilés[10].

En 1339, à Sienne (Italie), le gouvernement municipal de la ville annonce au conseil qu’il est nécessaire d’abolir l’emprisonnement pour dette, faute de quoi il faudrait mettre presque tous les citadins en prison tant ils sont endettés. Seize ans plus tard, en 1355, le peuple siennois en révolte met le feu à la salle du palais municipal où étaient rassemblés les livres de compte. Il s’agissait de faire disparaître les traces des dettes qu’on leur réclamait et qui, à leurs yeux, étaient odieuses[11].

Autre signe de l’importance du rejet de l’exploitation par la dette, à la fin du 14e siècle, lorsque les classes laborieuses prirent momentanément le pouvoir à Florence, conduits par les Ciompi, les ouvriers journaliers de l’industrie textile, on trouve parmi leurs revendications : supprimer l’amputation d’une main en cas de non-paiement des dettes et déclarer un moratoire sur les dettes non payées[12]. Ils exigeaient également une place dans le gouvernement et que les riches paient plus d’impôts. Des événements similaires se déroulèrent à la même époque, dans les Flandres, en Wallonie, en France, en Angleterre…

Le rejet des dettes au cœur des insurrections massives des paysans du monde germanique aux 15e et 16e siècles

De 1470 à 1525, une multitude de soulèvements paysans de l’Alsace à l’Autriche, en passant par la majorité des régions d’Allemagne, la Bohême, la Slovénie, la Hongrie et la Croatie, sont liés en grande partie aux rejets des dettes réclamées aux paysans et aux citadins des classes dominées. Des centaines de milliers de paysans prirent les armes, détruisirent des centaines de châteaux, des dizaines de monastères et des couvents. La répression fit plus de 100 000 morts parmi les paysans[13]. Lors d’une des rébellions, en 1493, les paysans soulevés exigèrent notamment la mise en pratique d’une année jubilaire, où toutes les dettes seraient annulées[14]. Thomas Münzer, un des leaders des soulèvements paysans, décapité en 1525 à l’âge de 28 ans, en appelait à l’application intégrale des Évangiles et notamment à l’annulation des dettes. Il s’opposait à Martin Luther qui, après avoir commencé en 1519-1520 par dénoncer l’usure et la vente des indulgences par l’Église catholique, en était venu à défendre à partir de 1524 les prêts à intérêt et à exiger que les paysans et tous les endettés remboursent leurs dettes. Luther prônait, en opposition aux soulèvements paysans, « un gouvernement temporel sévère et dur qui impose aux méchants (…) de rendre ce qu’ils ont emprunté… Personne ne doit s’imaginer que le monde puisse être gouverné sans que le sang coule ; le glaive temporel ne peut qu’être rouge et sanglant, car le monde veut et doit être mauvais ; et le glaive, c’est la verge de Dieu et sa vengeance contre le monde »[15]. Dans le conflit qui opposait les paysans et d’autres composantes du peuple (notamment la plèbe urbaine ainsi que les secteurs les plus paupérisés, vagabonds, mendiants…) aux classes dominantes locales, Martin Luther avait choisi son camp et proclamait que les lois de l’Ancien Testament comme l’année jubilaire n’étaient plus d’application. Selon Luther, l’Évangile décrit seulement le comportement idéal. Selon lui, dans la vie réelle, une dette doit toujours être remboursée.

Dans un texte anonyme qui a circulé en Allemagne à partir de 1521, on pouvait lire ce dialogue entre un paysan et un notable qui décrit bien l’utilisation de l’endettement pour déposséder le travailleur de son outil ou de sa terre :

Paysan : Qu’est-ce qui m’amène ? Eh bien, je voudrais savoir à quoi vous passez votre temps.
Notable : Comment devrais-je le passer ? Je suis là, assis à compter mon argent, ne vois-tu pas ?
Paysan : Dites-moi, Monsieur, qui vous a donné tant d’argent que vous passez votre temps à compter ?
Notable : Tu veux savoir qui m’a donné cet argent ? Je vais te le dire. Un paysan vient frapper à ma porte pour me demander de lui prêter 10 ou 20 guldens. Je m’enquiers de savoir s’il possède un lopin de bonne terre. Il dit : « Oui, Monsieur, j’ai une bonne prairie et un champ excellent qui à eux deux valent une centaine de guldens ». Je réponds : « Parfait ! Mets en gage ta prairie et ton champ, et si tu t’engages à payer un gulden par an d’intérêt, tu peux avoir ton prêt de 20 guldens ». Content d’entendre de telles bonnes nouvelles, le paysan réplique : « Je vous donne bien volontiers ma parole ». « Mais je dois te prévenir », j’ajoute alors « que si tu venais à ne pas honorer ton paiement à temps, je prendrais possession de ta terre et en ferais ma propriété. » Et cela n’inquiète pas le paysan, il engage sa pâture et son champ envers moi. Je lui prête l’argent et il paie les intérêts ponctuellement pendant un an ou deux ; puis survient une mauvaise récolte et il est bientôt en retard de paiement. Je confisque sa terre, je l’expulse et son champ et sa prairie sont à moi. Et je fais cela non seulement avec les paysans, mais avec les artisans.[16]

Voici, résumé en mots très simples, le processus de dépossession auquel les paysans et les artisans d’Allemagne et d’ailleurs ont tenté de s’opposer.

La conquête des Amériques et l’imposition de l’asservissement pour dette via le péonage

Lors de la conquête des Amériques, l’imposition de la domination européenne est allée de pair avec l’asservissement pour dette des populations natives[17]. La forme utilisée : le péonage. Le dictionnaire Littré définissait au 19e siècle le péonage de la manière suivante : « Se dit, au Mexique, d’une sorte d’esclavage imposé aux indigènes, et qui résulte de ce que les propriétaires peuvent les retenir et les obliger à travailler gratuitement pour l’acquit de dettes que ces travailleurs ont contractées sur les propriétés ». Le péonage est le système par lequel les péons sont attachés à la propriété terrienne par différents moyens, dont la dette héréditaire. Le péonage n’a été aboli au Mexique que dans les années 1910 pendant la révolution.

 

Fin de la partie 1. La partie 2 est consacrée aux dettes privées pendant l’ère capitaliste

[1] À cette époque, l’État n’empruntait pas. De même, l’État dans l’Égypte ancienne, la Grèce et la Rome antiques n’empruntait pas non plus, sauf tout à fait exceptionnellement dans le cas de Rome. En Europe, les États ne commencèrent à emprunter systématiquement qu’à partir des 13-14e siècles. Ils n’ont pas cessé depuis.

[2] Michael Hudson, « The Lost Tradition of Biblical Debt Cancellations », 1993, 87 p. ; « The Archaeology of Money », 2004. Voir aussi, David Graeber, Debt : The First 5000 Years, Melvillehouse, New York, 2011, 542 p. ; Dette : 5 000 ans d’histoire, Les Liens qui Libèrent, Paris, 2013. Voir Éric Toussaint, « La longue tradition des annulations de dettes en Mésopotamie et en Égypte du 3e au 1er millénaire av. J-C », CADTM, 24 août 2012.

[3] La Torah (loi religieuse juive) est la compilation des textes qui forment les cinq premiers livres de la Bible : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.

[4] Voir Isabelle Ponet, « La remise des dettes au pays de Canaan au premier millénaire avant notre ère », CADTM, 13 mars 2017. Dans le Lévitique, on trouve non seulement l’exigence de l’annulation des dettes, mais tout autant la libération des esclaves pour dettes et de toute leur famille, et le rendu de leurs champs et de leur maison. Mais attention cela ne vaut que pour la communauté d’Israël, pas pour les autres peuples.

[5] Michael Hudson, The Lost Tradition of Biblical Debt Cancellations, 1993, p. 27.

[6] Voir David Graeber, op.cit.

[7] Tacite, Annales, 6.16.1, cité par Andreau, « Endettement privé et abolition des dettes dans la Rome antique», CADTM, 13 novembre 2012.

[8] Voir Karl Marx, Le Capital, Livre 3, chapitre 19, Remarques sur l’usure précapitaliste. Voir également Ernest Mandel, Traité d’économie marxiste, Paris, R. Julliard, tome 1, chapitre 4 (le passage intitulé “Le capital usurier”), 1964.

[9] Le Rabbin Hillel avait décrété que les Juifs devaient ajouter une clause aux contrats entre eux, selon laquelle ils renonçaient à l’application de la Torah et du Talmud qui institue une annulation périodique de dettes. Par ailleurs, la religion juive autorisait les prêts à intérêts envers les non-juifs.

[10] Silvia Federici, dans son livre, Caliban et la Sorcière (p. 57), montre en quoi cette évolution a affecté encore plus gravement les femmes du peuple. Voir Silvia Federici, Caliban et la Sorcière, Genève-Paris, Entremonde, 2014, 459 p.

[11] Patrick Boucheron, Conjurer la peur, Seuil, Paris, 2013, pp. 213-215.

[12] Voir Silvia Federici, op. cit., p. 91 et 97. Voir également Patrick Boucheron, op. cit., p. 189.

[13] Voir Friedrich Engels (1850), La guerre des paysans en Allemagne, Éd. Sociales, Paris, 1974. Voir aussi David Graeber, op. cit., pp. 390-395.

[14] Friedrich Engels (1850), op. cit., p. 92.

[15] Martin Luther (1524), « Du commerce et de l’usure », in Œuvres, tome 1, Gallimard (La Pléiade), Paris, 1999, p. 386.

[16] Cité par Silvia Federici, Caliban et la Sorcière, p. 152 d’après G. Strauss (éd.), Manifestations of Discontent on the Eve of the Reformation, Bloomington, Indiana University Press, 1971, pp. 110-111.

[17] Le pape Nicolas V avait autorisé en janvier 1455 l’asservissement perpétuel des populations considérées comme ennemies du Christ. Cela justifia, entre autres, la mise en esclavage des Africains à cette époque (notamment dans les plantations créées par les Portugais à Madère) et ensuite cela permit aux conquistadors européens d’en faire autant dans le Nouveau Monde. Voici un extrait de la bulle Romanus Pontifex : “Nous, considérant la délibération nécessaire pour chacune de ces matières indiquées, et vu qu’antérieurement, il a été concédé audit roi Alphonse du Portugal par d’autres lettres, entre autres choses, la faculté pleine et entière à l’égard de n’importe quels sarrasins et païens et autres ennemis du Christ, en n’importe quel endroit où ils se trouvent, et des royaumes, duchés, principautés, seigneuries, des possessions, biens meubles et immeubles possédés par eux, de les envahir, les conquérir, les combattre, les vaincre et les soumettre ; et de réduire en servitude perpétuelle les membres de leurs familles, de s’emparer pour son propre profit et celui de ses successeurs, s’approprier et utiliser pour leur propre usage et celui de ses successeurs, leurs royaumes, duchés, comtés, principautés, seigneuries, possessions et autres biens qui leur appartiendraient…” (c’est nous qui soulignons). Par ailleurs, comme le commente David Graeber, les conquistadors, dont Hernan Cortez s’étaient endettés jusqu’au cou pour financer leurs opérations… Du coup, ils ont exploité et spolié avec un maximum de brutalité les populations conquises afin de rembourser leurs dettes (Voir David Graeber, op. cit., p. 385 suiv.).

Pour citer cet article

Éric Toussaint, « 5 000 ans de dette comme arme de dépossession : briser le cercle vicieux des dettes privées illégitimes (I) », Silomag, n°2, avril 2017. URL : https://silogora.org/5-000-ans-de-dette-1/

Réagir

Si vous souhaitez réagir à cet article, le critiquer, le compléter, l’illustrer ou encore y ajouter des notes de lecture, vous pouvez proposer une contribution au comité de rédaction. Pour cela, vous pouvez envoyer votre texte à cette adresse : contact@silogora.org

AGORA DES PENSÉES CRITIQUES
Une collaboration

Mentions légales Crédits