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Comment lutter contre les inégalités de santé entre les femmes et les hommes?

Comment lutter contre les inégalités de santé entre les femmes et les hommes?Temps de lecture : 6 minutes

Les différences de santé entre femmes et hommes résultent d’interactions complexes entre des facteurs biologiques, socioculturels et économiques. Si des spécificités anatomiques et physiologiques participent de ces différences, elles ne sont pas exclusives. Les représentations sociales liées au genre féminin et masculin influencent l’expression des symptômes, le recours aux soins des malades, mais aussi l’interprétation des signes cliniques et la prise en charge des pathologies par les professionnels de santé. À cela, s’ajoutent les conditions de vie, sociales et économiques, qui exposent différemment les femmes et hommes à des risques de santé. Questionner les inégalités de santé au prisme du genre permet d’analyser plus précisément les pathologies, de formuler de nouvelles hypothèses de recherche et de construire des stratégies de prévention et de traitement. Ces sujets mobilisent de plus en plus les institutions de recherche, de médecine et les milieux associatifs. Gageons que ces démarches serviront d’aiguillon auprès des pouvoirs publics pour rendre la médecine plus égalitaire, au bénéfice de la santé des femmes et des hommes.

Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique

Lutter contre les inégalités sociales en matière de santé est, aujourd’hui, un enjeu majeur des politiques publiques. Au sein de celles-ci, les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’accès au soin et la prise en charge médicale constituent un sujet longtemps ignoré. En effet, la médecine, historiquement, est restée centrée sur le corps masculin (paramètres physiopathologiques, description des symptômes, posologie, etc.).

Il est important de faire la distinction entre les notions de différences et d’inégalités de santé. Les différences de santé sont liées à des facteurs biologiques (gènes, hormones, organes, etc.), tandis que les inégalités de santé, elles, relèvent de facteurs sociaux, culturels, économiques, pour lesquels la notion de genre joue un rôle prépondérant.

Un exemple typique est l’infarctus du myocarde, longtemps considéré comme une maladie d’homme stressé au travail. En conséquence, l’infarctus est encore sous-diagnostiqué chez les femmes. Celles-ci, insuffisamment informées, en minimisent les symptômes et appellent plus tardivement les urgences. À l’hôpital, leur prise en charge est aussi plus tardive.

À l’inverse, la dépression apparaît comme une pathologie féminine, les femmes étant deux fois plus touchées que les hommes. Une explication longtemps privilégiée est celle d’une origine hormonale liée aux menstruations, grossesse, ménopause… Or des recherches récentes montrent que les facteurs biologiques ne jouent qu’un rôle minime, face à l’environnement socioculturel et économique (précarité, charge mentale, violences) qui expose davantage les femmes aux risques de dépression. D’après une étude menée sur plus de 200 pays, plus le niveau économique d’un pays est élevé, moins on constate de différences entre les hommes et les femmes dans la dépression. 

Le poids des stéréotypes concerne aussi l’autisme qui est sous-diagnostiqué chez les filles. Chez le jeune enfant, le retrait sur soi est perçu comme de la timidité pour les filles, alors que pour un garçon on va suspecter un trouble de la communication sociale.

Les hommes sont également victimes des représentations stéréotypées des maladies. Ainsi, l’ostéoporose n’est pas l’apanage des femmes ménopausées. Un tiers des fractures ostéoporétiques concerne les hommes. Or pour eux le diagnostic et le traitement de l’ostéoporose sont quasi inexistants.

Ces exemples de biais dans les pratiques médicales montrent l’importance de la prise en compte du concept de genre pour analyser les pathologies de façon plus pertinente et poser des meilleurs diagnostics (voir les rapports 2017[1] et 2020[2] du Haut Conseil à l’Égalité).

Le poids des conditions de vie, sociales, économiques et environnementales : une menace pour la santé des femmes

Dans la vie au travail, les facteurs de risques et de pénibilité sont sous-estimés chez les femmes. Les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux touchent plus gravement les femmes, en particulier les employées et les ouvrières. Les cancers d’origine professionnelle sont moins souvent reconnus chez les femmes que chez les hommes. Une étude récente de l’Inserm montre que le travail de nuit augmente de 26 % les risques de cancer du sein.

Autres menaces pour la santé des femmes : la précarité et le poids des charges domestiques et familiales. La pauvreté, qui touche majoritairement les femmes se traduit par le renoncement aux soins et par une dégradation de l’hygiène de vie : logement dégradé, mauvaise alimentation, sédentarité, pénibilité au travail… autant de facteurs qui favorisent l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, les troubles dépressifs, etc.

Les femmes sont aussi les premières victimes de violences, ce qui se répercute sur leur santé mentale et physique (blessures traumatiques et gynécologiques, troubles psychiques et psychosomatiques, anxiété, conduites addictives, troubles du sommeil…). Les médecins, qui sont souvent leurs premiers interlocuteurs, ne bénéficient pas d’une formation au repérage des violences à la hauteur des besoins. 

Enfin, les risques sanitaires des agents toxiques présents dans l’environnement pour les femmes enceintes vont croissants. L’exposition pré- et postnatale à divers polluants chimiques et atmosphériques constituent des risques avérés pour la croissance des fœtus et le développement des enfants.

Des pistes pour mieux soigner les femmes et les hommes : former les soignants, informer le public et les malades, soutenir les associations, alerter les autorités de santé publique

Depuis plus de vingt ans, aux Etats-Unis, au Canada et en Europe du Nord, la thématique “Genre et Santé” figure dans les plans stratégiques des institutions de recherche et dans les politiques de santé publique.

La France est en retard dans ce domaine. Il est urgent d’instaurer des programmes de formation des étudiants et des soignants, et de mener des campagnes d’informations et de prévention auprès du public. Une autre priorité est de soutenir les recherches sur le sexe et le genre dans la santé, associant les disciplines cliniques et biomédicales avec les recherches en sciences sociales et en santé publique (voir le projet européen Genghi soutenu par l’Inserm).

Des initiatives récentes de la part d’institutions publiques et de la société civile sont encourageantes. En 2013, le Comité d’Éthique de l’Inserm a créé un groupe de travail sur la thématique “Genre et recherche en santé“. Le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a publié deux rapports sur les inégalités de genre dans la santé en 2017 et 2020. La Haute Autorité de Santé (HAS) s’est emparée du sujet en 2020[3].

Le soutien aux associations est autre un impératif. Il faut souligner que l’endométriose, longtemps ignorée car réduite à une “affaire de femmes fragiles et souffreteuses”, est sortie de l’ombre grâce à la mobilisation de patientes dans les années 2000. Le travail des associations à rendu visible cette pathologie organique qui touche une femme sur dix et est l’une des premières causes d’infertilité. Or ce n’est qu’en 2022 qu’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose a été officialisée[4]. Sachant que cette maladie est une cause majeure d’arrêt de travail, il est indispensable de former les inspecteurs du travail et les directions de ressources humaines (DRH) sur l’endométriose, de même que les infirmièr∙e∙s et médecins scolaires.

Le contexte international : une évolution souvent défavorable à la santé et aux droits des femmes

Un rapport des Nations unies de 2022 a révélé que, partout dans le monde, la crise sanitaire du Covid-19 a gravement exacerbé les facteurs d’inégalités de santé entre les femmes et les hommes[5]. De plus, les conflits armés et la crise climatique menacent tous les progrès difficilement accomplis dans l’accès aux soins des femmes, des enfants et des adolescent∙e∙s.

Dans de nombreux pays en développement, la santé sexuelle et reproductive des femmes est particulièrement menacée : grossesses non désirées, infection par le VIH et autres maladies sexuellement transmissibles, complications liées à la grossesse et à l’accouchement, entraves à la contraception et à l’avortement, etc.

Dans les pays industrialisés, les progrès réalisés depuis des décennies contrastent avec  les changements récents du contexte politique de certains États dont la législation régresse dramatiquement en s’opposant aux droits fondamentaux des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive.

En France, en réaction aux difficultés d’accès au soin et aux médicaments liées au Covid-19, le droit à l’avortement a été renforcé avec notamment l’allongement du délai de recours de 12 à 14 semaines. En 2022, la loi garantie la gratuité des dispositifs contraceptifs et des consultations gynécologiques jusqu’à l’âge de 25 ans. Depuis le 1er janvier 2023, toutes les femmes peuvent bénéficier gratuitement, en pharmacie et sans ordonnance, de la contraception d’urgence hormonale, la “pilule du lendemain.

L’amélioration de la santé des femmes est indissociable de l’amélioration de leurs droits. Il est urgent de contrecarrer la mouvance conservatrice internationale qui remet en question les droits acquis des femmes. C’est un enjeu majeur des missions de l’ONU, des ONG et des gouvernements des États démocratiques qui partagent les mêmes valeurs d’égalité et de justice entre les femmes et les hommes.

Pour en savoir plus

Rapports du Haut Conseil à l’Egalité

Rapport de la Haute Autorité de Santé, 2020

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3223570/fr/sexe-genre-et-sante-rapport-d-analyse-prospective-2020

Inserm

  • Comité d’Ethique , Rapports du Groupe de travail “Genre et recherche en santé
  • Projet européen Genghi, Les inégalités de santé au prisme du genre, https://gendhi.eu/.

[1] Rapport n°2017-05-29-SAN-O27, « La santé et l’accès aux soins : Une urgence pour les femmes en situation de précarité », mai 2017.

[2] Rapport, « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique », 2020.

[3] Rapport d’analyse prospective, « Sexe, genre et santé », 2020.

[4] En ligne sur le site du ministère de la Santé et de la Prévention : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie-endometriose.pdf

[5] « L’ONU alerte sur la santé des femmes, des enfants et des adolescents », le 18 octobre 2022. Rapport disponible en anglais : https://pmnch.who.int/resources/publications/m/item/2022-progress-report-on-the-every-woman-every-child-global-strategy-for-women-s-children-s-and-adolescents-health-(2016-2030)

Pour citer cet article

Catherine Vidal, «Comment lutter contre les inégalités de santé entre les femmes et les hommes?», Silomag, n°17, septembre 2023. URL: https://silogora.org/comment-lutter-contre-les-inegalites-de-sante-entre-les-femmes-et-les-hommes/

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