La crise financière de 2007/2008 n’a pas entrainé d’importantes fractures dans les syndicats allemands. Néanmoins, la restauration néolibérale initiée par les sociaux-démocrates et les verts dans les années 2000 a profondément affaibli leur autonomie sans qu’ils aient développé une résistance face à ces politiques de démantèlements des avantages sociaux. Une réorientation de la stratégie des syndicats est nécessaire.
Texte traduit de l’allemand par Elisabeth Seifert.
Cette brève présentation tient compte du point de vue des syndicats faisant partie de l’association des syndicats allemands. Il ne rend pas compte des différentes branches de syndicats comme par exemple celles des pilotes, des conducteurs de train ou des médecins.
Une importante restauration néo-libérale entreprise par les sociaux-démocrates et les verts allemands
À première vue, les syndicats et l’Allemagne sont sortis de la crise financière et économique de 2008 sans subir d’importantes fractures. Du point de vue des syndicats, ce n’est en aucun cas une considération positive. L’évolution du salaire réel ces dix à quinze dernières années et la politique à l’ordre du jour de « réduction des coûts du travail salarié » ont eu pour résultat l’augmentation des exportations de l’économie allemande (qui continue à ce jour). Le chômage dans le pays a été compensé par le chômage dans les pays exportateurs. Dans ce contexte, il est important de rappeler l’agenda 2010 du gouvernement Schroeder – Fischer initié en 2003. Le gouvernement du parti social-démocrate et des verts s’est ainsi confirmé comme sésame d’une importante restauration néo-libérale de la République Fédérale : l’allocation des chômeurs en fin de droits a été supprimée ; l’aide sociale (la légalisation de la pauvreté), connue sous le nom de Hartz IV, a été introduite, ainsi que la diminution de la durée du paiement de l’allocation chômage, la réduction de la protection contre le licenciement et une dérégulation du marché de travail. Ces réformes ont profondément affaibli l’autonomie des syndicats allemands.
En dépit de ces faits, les syndicats n’ont pas développé de résistance contre cette politique de démantèlement massif des avantages sociaux conduite par les sociaux-démocrates et les verts. Dans ce contexte, il est important de souligner que, de cet abandon par le parti social-démocrate de la politique de justice sociale, a finalement résulté la fondation du parti Die Linke. Pendant la crise économique et monétaire de 2008, et par la suite, il n’est pas résulté de changement durable dans la stratégie des luttes syndicales en Allemagne bien que les défis de la politique du capital soutenue par la politique des gouvernements au pouvoir soient évidents.
Dans l’ouest de l’Allemagne, uniquement 45 % des salariés sont représentés par un comité d’entreprise ; dans l’est, ils ne sont que 37 %. Dans l’ouest, uniquement 52 % des salariés sont protégés par une convention collective sectorielle ; dans l’est, ils ne sont que 36 %. De mon point de vue, cette situation doit provoquer une importante réorientation de la stratégie des syndicats.
La nécessité d’une opposition politique et syndicale
Il existe un conflit d’intérêts infranchissable entre le capital et le travail. Cela nécessite une disposition à une confrontation efficace et un contre-pouvoir des syndicats face aux relations capitalistes dans notre pays. Le parti Die Linke pourrait être le bras politique parlementaire et extra-parlementaire puisqu’à cet égard, l’on ne peut presque pas compter sur le SPD.
Ce changement de stratégie des dirigeants syndicaux n’est pas jusqu’à présent intervenu. Le lien avec le SPD continue de ne pas être rompu.
Cela comporte de nombreux problèmes pour les perspectives des luttes syndicales. Le maintien du renoncement à l’utilisation d’un mandat politique et à la confrontation avec les rapports dominants, comme par exemple la question d’une nouvelle répartition de la richesse du bas vers le haut, a aussi une dimension européenne.
Cédant à l’importante pression politique de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI (la Troïka) avec un appui massif du gouvernement actuel de l’Allemagne, les droits des syndicats et de la classe ouvrière en Grèce ont plus ou moins été supprimés. Cela peut aussi être considéré comme un danger pour le mouvement syndical et la classe ouvrière en Europe. Malgré tout, aucune solidarité de grande envergure entre la Confédération européenne des syndicats et des syndicats allemands n’est en vue.
Je termine par une remarque à l’adresse de nos collègues français. Le nouveau président de votre pays, Macron, a ouvertement annoncé sa volonté de poursuivre en France avec intensité la politique du SPD et des verts. On ne peut pas exclure qu’il consulte l’ex-chancelier Schroeder. Il ne me reste qu’à conseiller vivement aux syndicats français de s’opposer à cette politique avec tous leurs moyens disponibles.
Macron fait une très grave erreur s’il estime qu’il a été élu pour mener une politique néo-libérale allant de pair avec un démantèlement des acquis sociaux et une dérégulation importante.