Spécial 8 mars 20227 min

1948. Dover Sun House, le fruit de travail de trois femmes: Maria Telkes, biophysicienne, Eleanor Raymond, architecte, et Amelia Peabody, la sculptrice qui a financé le projet. Construite dans le Massachussetts où l’hiver est froid et l’été chaud, la technologie de la maison a bien fonctionné. En hiver, l’énergie solaire est absorbée et stockée de jour pour la restituer en chauffage la nuit. Durant l’été, la solution saline refroidit la maison en aspirant la chaleur. À l’époque, le projet a été particulièrement bien accueilli et Maria Telkes a reçu le premier prix d’excellence de la Society of Women Engineers en 1952. Cette inventrice a développé plusieurs projets liés à l’utilisation de l’énergie solaire et notamment le premier réfrigérateur thermoélectrique et un distillateur solaire qui permet de transformer l’eau de mer en eau potable. Reconnue et récompensée pour ses apports scientifiques, cette femme reste encore peu connue à une époque où les enjeux environnementaux sont pourtant incontournables.

En savoir plus:

• Marie Chatard, «Dover Sun House: la maison solaire de Maria Telkes», la-mini-maison.com, 5 février 2019
• «Maria Telkes: La reine du soleil», par newsdecadrée, decadree.com, 29 janv. 2017
• Maria Eugenia Garcia Nemocon, «Les écoféminismes: principes, propositions et solutions face aux crises actuelles», Silomag#12 Vers une civilisation écologique?, décembre 2020

Le combat contre les empires coloniaux sur le continent africain. Kimpa Vita (1684-1706), connue également sous le nom de Dona Beatriz, lance une guérilla politico-religieuse dans le royaume du Congo contre les côlons portugais. Elle est capturée et brûlée comme hérétique en 1706. Lalla Fatma N’Soumer (1830-1863) rejoint la résistance kabyle à 20 ans et succède à son chef en 1854. Capturée au combat par les Français, elle meurt en prison à 33 ans. Sarraounia Mangou, reine des Aznas du Niger, résiste à la colonne d’exploration dirigée par les capitaines Voulet et Chanoine qui pillent et détruisent les villages sur leur passage. Aline Sitoé Diatta (1920-1944) convainc les habitants de sa région, la Casamance, de ne pas contribuer à l’effort de guerre pour la France en refusant l’enrôlement dans l’armée française. Elle est emprisonnée en 1943 et meurt en détention.

En savoir plus:

• Lire les notices bibliographiques sur le site L’histoire par les femmes:
  «Kimpa Vita, prophétesse».
  «Lalla Fatma N’Soumer, résistante à la colonisation».
  «Aline Sitoé Diatta, héroïne de la désobéissance civile».
• Elara Bertho, «Sarraounia, une reine africaine entre histoire et mythe littéraire (Niger, 1899-2010)», Genre & Histoire, n° 8, printemps 2011.

Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir (1908-1986). Elle y démontre que l’inégalité homme/femme est historiquement et idéologiquement construite. «On ne naît pas femme, on le devient». Selon l’autrice, les femmes doivent reprendre possession de leur destin, non en tant que femme, mais en tant qu’homme comme les autres. Les différences biologiques contribuent à la différence, mais ne sauraient justifier la hiérarchie homme/femme. Simone de Beauvoir participe au mouvement pour la libération des femmes et signe, en 1971, le manifeste dit des 343 salopes pour le droit à l’avortement.

En savoir plus:

• Simone de Beauvoir, l’aventure d’être soi, un documentaire de Fabrice Gardel et Mathieu Weschler, 2021 (60 min)
• «Simone de Beauvoir, icône du féminisme», histoireparlesfemmes.com.
• Derwell Queffelec, «Comment Simone de Beauvoir a écrit “Le Deuxième Sexe”», France Culture, 17 mai 2021.
• Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, Gallimard, 1986.

Une union dans laquelle la femme a un niveau social supérieur à celui de son conjoint. Avant-guerre, pour les femmes nées en 1920, 50% des couples avaient la même catégorie de diplômes. Dans 30% des couples, l’homme était plus diplômé tandis que la femme l’était davantage dans 20% des unions. À partir des années 1940, le niveau d’éducation des femmes s’élève. La situation change radicalement pour les femmes nées à partir de 1960 et dans les années 1970 : les couples où la femme possède un diplôme supérieur à celui de l’homme deviennent aussi fréquents que les couples à niveau égal et les couples où la femme a un niveau inférieur ne sont plus que 20%. La tendance s’accentue aux générations suivantes au point que l’hypogamie féminine est devenue la situation la plus fréquente. Mais attention, à niveau d’étude égal, les femmes gagnent en moyenne toujours nettement moins que leur conjoint. Et la répartition du travail domestique n’a pas encore beaucoup évolué!

En savoir plus:

• Pauline Delage, Soline Blanchard, Isabelle Boni-Le Goff, Isabelle Puech (dir.), «(Re)configurations du travail domestique», Travail, genre et sociétés, n° 46, 2021.
• Caroline Eliacheff, «Inversion de courbe», France culture, le 28 avril 2016.

Une génération de luttes féministes dont le mouvement de libération des femmes est emblématique en France. C’est un ensemble de groupes militants des années 1960/1970 dont les principales revendications s’articulent autour des droits à la contraception et à l’avortement. La liberté sexuelle et la psychanalyse y sont alors au goût du jour. La première vague désigne la génération féministe qui se mobilise avant la Première Guerre mondiale pour l’accès des femmes au droit de vote. Une troisième vague émerge dans les années 1990, portée par le postmodernisme et dont Judith Butler incarne l’une des figures de proue.

En savoir plus:

Silomag, n°13, septembre 2021, «Féminisme: extension du domaine des luttes»
Sylvie Chaperon, « La radicalisation des mouvements féminins français de 1960 à 1970 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 1995, n° 48, pp.61-74
Geneviève Fraisse, Michelle Perrot et Georges Duby, Histoire des femmes en Occident: Le XXe siècle, t. 5, Plon, 1992.
Éliane Gubin, Catherine Jacques, florence Rochefort, Brigitte Studer, Françoise Thébaud (dir.), Le siècle des féminismes, Ed. de L’Atelier, 2004.

L’effet Matilda, en hommage à Matilda Joslyn Gage (1826 -1898), militante féministe américaine qui, dès la fin du 19e siècle, a noté la tendance à l’accaparement de la pensée intellectuelle de femmes par des hommes. Margaret Rossiter cite, en exemple, Trotula médecin à Salerne (11e s), dont l’ouvrage de référence sur la gynécologie a été attribué à un homme tant il paraissait impossible qu’une femme puisse l’écrire. Il est fréquent que les femmes ne soient pas créditées pour leur apport dans telle ou telle découverte. Cette injustice est particulièrement criante dans l’attribution des prix Nobel: les femmes ne représentent que 5% des lauréats. Vera Rubin, théoricienne de la matière noire dans les années 1970, n’a jamais été reconnue de son vivant. Les travaux de Lise Meitner sur la fission nucléaire n’ont pas été récompensés tandis que son partenaire Otto Hahn a reçu le prix en 1944. Cette minimisation systématique de la contribution des femmes scientifiques concerne tous les niveaux de la recherche. À titre d’illustration, le célèbre répertoire American Men in Science créé en 1906 n’a été rebaptisé American Men and Women in Science qu’en 1971 !

En savoir plus:

• Margaret W. Rossiter, «L’effet Matthieu Mathilda en sciences», Les Cahiers du CEDREF n°11/2003
• Dossier de France Culture «L’effet Matilda, ou les oubliées de la science»
• Hervé Morin, «L’effet Matilda, ou comment les femmes ont tendance à disparaître de l’histoire des sciences», Le Monde, 19/02/2020.
• Béatrice Cherrier, Cléo Chassonnery-Zaïgouche, «Margaret W. Rossiter et l’histoire des femmes scientifiques américaines». Dans Zilsel 2021/1 (N° 8), pp. 384-389.