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«Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales»

«Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales»Temps de lecture : 3 minutes

Partis et syndicats ont un horizon commun, celui de la reconquête du pouvoir dans les entreprises, dans l’État et dans la cité, pour une transformation démocratique, sociale et écologique. Pour Aurélie Trouvé, cela demande un travail constant respectueux de l’indépendance de chacun et à l’écoute des autres formes de lutte contre les rapports de domination du capitalisme qui ne résument plus au conflit capital travail. Ces convergences entre mouvement social et politique permettront à une gauche de rupture d’accéder au pouvoir.

Comment articuler les rôles des syndicats et des partis ?

J’y ai d’abord réfléchi comme responsable d’une association pendant de longues années (Attac, qui a été fondée entre autres par des syndicats), avant d’y réfléchir comme responsable politique de la France Insoumise en charge des relations avec les syndicats et associations.

Je résumerai mon propos ainsi : il faut arriver à frapper sur le même clou avec deux marteaux différents. Quel clou d’abord ? La reconquête du pouvoir, dans les entreprises, dans l’État, dans la cité, pour une transformation démocratique, sociale et écologique.

Pour taper sur le même clou, il faut se coordonner.  D’où le besoin d’un travail constant entre forces syndicales et politiques.

Ce travail commun et constant ne peut se faire que dans le strict respect de l’indépendance des uns et des autres : les syndicats ne sont pas les bras armés de telle ou telle formation politique. Mais ils sont utiles au travail des mouvements politiques. Par exemple, dans la définition des programmes politiques, les revendications que portent les syndicats, mais aussi tous les mouvements de résistance de ce pays peuvent et doivent les nourrir. C’est d’ailleurs le cas du programme de l’avenir en commun, puis les programmes de la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) et du NFP (Nouveau Front populaire).

Cette autonomie n’empêche pas de soutenir les uns et les autres à certains moments. Ainsi la CGT, la FSU, le Planning familial, Attac… ont appelé à voter pour le NFP et ont parfois participé activement à la campagne législative. Sans pour autant remettre en cause leur indépendance.

Les forces syndicales et politiques doivent-elles s’additionner et/ou se compléter, et si oui, comment ?

Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales, du pouvoir aux salariés dans les boîtes (droit de véto des comités d’entreprise, droit de préemption des boîtes par les salariés, sécurité sociale professionnelle, garantie d’emploi, réduction temps de travail…).

Mais tout ne se joue pas évidemment dans la seule arène parlementaire et par le seul vote, bien au contraire. C’est ce que montre l’histoire. L’arrivée au pouvoir d’une gauche de transformation n’a jamais pu se faire, dans l’histoire et dans le monde, sans mouvements sociaux d’ampleur. Ainsi, en 1936 lors de la constitution puis du gouvernement du Front populaire, les mouvements sociaux et les grèves ont joué un rôle essentiel, comme les grèves de 1995 pour la victoire de la gauche de 1997. Et la victoire du NFP en juillet 2024 a sans doute été facilitée par le mouvement des retraites de l’année d’avant.

Cependant je tiens à souligner que les mouvements sociaux ne peuvent se résumer qu’aux mouvements syndicaux et à la grève. Ce serait une erreur de le penser. D’abord, parce que le conflit capital travail ne résume plus les rapports de domination du capitalisme. Il y a le conflit capital nature… et donc les mouvements écologistes comme le mouvement climat, contre les projets d’autoroutes ou de mégabassines. Il y a la domination sexiste, la domination raciste, l’étouffement de la démocratie… et donc les mouvements féministes, antiracistes, contre les violences policières, les gilets jaunes et tant d’autres. Nous avons été bousculés par de nouvelles formes de lutte, plus locales, plus en réseau, plus horizontales, plus temporaires… Que nous soyons responsables syndicaux ou politiques, notre capacité d’enfoncer le clou, c’est aussi notre capacité à soutenir ces mouvements, à travailler, converger avec eux, et s’inscrire dans leurs combats.

Quels axes vous semblent prioritaires à développer pour un rapport syndicalisme/politique efficace ?

Ce sont à la fois les questions qui concernent directement le rôle des syndicats (les retraites, la qualité et le sens du travail, les salaires…) et celles qui les traversent : la bifurcation écologique des outils productifs, tout comme la paix dans le monde et le respect des droits humains fondamentaux.

C’est ainsi que depuis presque deux ans nous menons, mouvements écologistes, insoumis, anticapitalistes… des mobilisations avec des syndicats pour la paix à Gaza et contre le génocide.

Si vous étiez au pouvoir, quelle devrait être selon vous l’attitude d’un gouvernement de progrès social vis-à-vis des organisations syndicales et patronales ?       

Aujourd’hui nous faisons face à un président qui n’a aucune culture ou formation démocratique, aucune considération pour l’expression populaire, dans les urnes ou dans des mouvements massifs, comme celui contre la réforme des retraites.

Il s’agit d’abord de reconnaître l’indépendance des forces syndicales. Bien entendu aussi cette considération pour l’expression populaire. Enfin, de redonner du poids aux forces syndicales dans les entreprises, poids qui a été notamment enlevé par les lois travail pendant les présidences Hollande et Macron.

Pour citer cet article

Aurélie Trouvé, «Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales», Silomag, n°19, juillet 2025. URL:

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