Lecture en cours
Le travail comme réalité contradictoire

Le travail comme réalité contradictoireTemps de lecture : 3 minutes

Alain Obadia
Président de la Fondation Gabriel Péri

Le travail doit être appréhendé comme une réalité contradictoire. Il est tout à la fois marqué par les rapports d’exploitation inhérents au capitalisme et par le fait que, tout en étant la source essentielle de revenu pour la plupart d’entre nous, il est porteur d’un potentiel d’épanouissement et d’émancipation.

Dans les conditions d’aujourd’hui, ces deux réalités sont inséparables. Elles coexistent dans la perception que l’immense majorité des travailleurs a de son activité professionnelle.

Pour révolutionner le travail et le transformer en vecteur d’émancipation humaine utile à tous, il doit être abordé dans toute sa complexité.

Succédant aux pratiques esclavagistes qui ont marqué l’histoire – et qui subsistent encore dans certaines parties du monde –, les rapports d’exploitation et d’aliénation qui caractérisent le travail dans les conditions d’aujourd’hui trouvent leurs racines dans la domination des exigences de rentabilisation du capital. Les salariés, leurs compétences, leurs capacités de travail et leurs qualifications – en d’autres termes leur force de travail– sont réduits au rang de simples marchandises. Ils relèvent d’ailleurs du marché du travail. Les entreprises abusivement assimilées aux seuls propriétaires du capital fonctionnent sous l’injonction de la maximisation des profits.

Dans le capitalisme contemporain, la financiarisation de l’économie imprègne l’ensemble des gestions. Accroître la rentabilité est le crédo du système. Telle est la source des offensives contre les salaires et le pouvoir d’achat; du développement de la précarité tous azimuts, de la mise en place d’organisations du travail déstructurantes ou encore du démantèlement du droit du travail. Telle est aussi la source de l’extension inquiétante de la marchandisation de la nature et de la force des résistances à l’égard de l’intégration de la dimension écologique dans les processus de décisions.

Ces réalités expliquent le sentiment de plus en plus partagé de perte de sens du travail et l’extension de la souffrance face à sa pénibilité, au stress qu’il engendre, aux burn-out qu’il provoque.

En même temps, le travail est l’objet d’aspirations libératrices. Il apparait indispensable pour répondre aux besoins humains. Chacun ressent qu’il peut ou pourrait être un vecteur d’expression et de développement de la créativité et donc des capacités humaines. Il permet d’établir et de cultiver des liens sociaux. Il est un moyen de permettre à des ressources psychologique et sociales de se manifester. Il est un vecteur d’action collective pour le progrès social au service du progrès humain.

Ces différentes dimensions doivent toutes être prises en compte pour analyser et comprendre les réalités et les enjeux du travail. C’est le cas plus encore si l’on veut mener les combats indispensables pour révolutionner le travail et faire pleinement s’exprimer son potentiel émancipateur et créateur.

 

Pour aller plus loin

Voir l’entretien réalisé par Alexis Cukier de Lucien Sève autour de son ouvrage Aliénation et émancipation (La Dispute, Paris, 2012) : http://www.gabrielperi.fr/1682.html.

Lucien Sève répond à ces différentes questions (voir à partir de 3 min 24) :

– Que signifient, chez Marx, ces trois concepts fondamentaux : aliénation, émancipation, communisme ?

– Quels sont les enjeux d’une réactualisation de la théorie marxienne de l’aliénation pour penser le travail, les classes sociales, la crise de la politique et la crise du capitalisme aujourd’hui ?

– Qu’exige, en théorie et en pratique, une conception de l’émancipation sociale à la hauteur du temps présent ?

– Enfin, comme l’exprime Lucien Sève : « Comment donc engager cette chose jamais vue que serait un vrai dépassement communiste du capitalisme » ?

Réagir

Si vous souhaitez réagir à cet article, le critiquer, le compléter, l’illustrer ou encore y ajouter des notes de lecture, vous pouvez proposer une contribution au comité de rédaction. Pour cela, vous pouvez envoyer votre texte à cette adresse : contact@silogora.org

AGORA DES PENSÉES CRITIQUES
Une collaboration

Mentions légales Crédits