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L’exception politique en révolution. Pensées et pratiques (1789-1917)

L’exception politique en révolution. Pensées et pratiques (1789-1917)Temps de lecture : 3 minutes

Colloque international organisé par le laboratoire GRHis (Université de Rouen Normandie), avec le soutien de l’IRIHS (Université de Rouen Normandie), de l’Université d’Orel (Russie), de la Fondation Gabriel Péri et de la Société des études robespierristes (7-8 novembre 2017).


À l’automne 1793, la Convention nationale décrète que le gouvernement de la République sera « révolutionnaire jusqu’à la paix », l’adjectif étant alors conçu comme synonyme d’« extraordinaire ». Les premiers signes annonciateurs de ce temps d’exception politique sont toutefois antérieurs et, par ailleurs, les Conventionnels n’inventent pas ex nihilo ce gouvernement extraordinaire. Contraints à penser l’exception politique, ils puisent naturellement dans la « boîte à outils intellectuels » qui était la leur, composée d’exemples historiques (notamment antiques) et des écrits philosophiques des XVIIe et XVIIIe siècles (au premier rang desquels les Œuvres de Montesquieu et Rousseau). Penser l’exception politique, c’est également la mettre en pratique dans un contexte où la République est alors assiégée de toutes parts, aussi bien par des armées étrangères que par une situation d’extrême tension à l’intérieur du territoire national. La Convention et son comité de Salut public mettent alors en place une sorte de double légalité avec, d’un côté, des lois dites « ordinaires », de l’autre, des lois dites « révolutionnaires ». Pour les mettre en œuvre, des organes de pouvoir issus des premières années de la Révolution continuent à fonctionner, mais des institutions « révolutionnaires » voient également le jour (représentants du peuple en mission, comités de surveillance, armées révolutionnaires, etc.). Pourtant inscrites dans nulle constitution, elles permettent à la République de triompher de ses adversaires. En Thermidor, la coalition qui a éliminé Robespierre et ses amis invente l’idée d’un « système de terreur » ou d’une « politique de terreur » désormais caducs avec la mort du « tyran ». Elle opère ainsi un renversement de sens politique et assimile la notion de « terreur » à un mode de gouvernement, là où les mesures répressives, pour sévères, voire impitoyables, qu’elles aient été, n’étaient qu’un des leviers actionnés par le gouvernement révolutionnaire. L’historiographie devait faire le reste, avec cet usage d’un article défini et d’une majuscule pour évoquer la Terreur, concept réifié pour deux siècles.
Avec cet exemple de 1793 et de l’an II, les révolutionnaires des XIXe et XXe siècles ont été amenés à réfléchir sur la notion de « Salut public », sur l’usage de la « dictature », et partant sur la nécessité pour une révolution de recourir à la contrainte au moment de bâtir un nouvel ordre issu de cette révolution, et donc fatalement de cerner les limites de ce qui serait considéré comme des « désordres » à réprimer. Par la force des choses, ils ont dû eux aussi penser l’exception politique, prendre position sur le recours ou non à la violence, inventer à leur tour des politiques qui leur permettraient de faire triompher leurs idées. Avec les héritages de la « Grande Révolution », ils ont également été conduits à réfléchir sur l’association entre révolution et guerre, tout à la fois la guerre qui sert de déclencheur à une révolution (le 10 août 1792 ou 1917) et celle à laquelle une révolution doit être presque toujours confrontée au moment de s’imposer face aux tenants de l’ordre ancien. Guerre étrangère et guerre civile (théorisée par certains comme nécessaire) ne pouvaient que susciter des réflexions politiques chez des révolutionnaires imprégnés de l’histoire de la Révolution française, mais aussi des révolutions avortées du XIXe siècle. On sait ainsi comment Lénine esquissa un pas de danse lorsque la révolution bolchevique dépassa la durée de la Commune de Paris en 1871, fort de la certitude partagée par la grande majorité des révolutionnaires qu’il est apparemment plus difficile de conserver le pouvoir que de le conquérir. L’état d’exception a ensuite nourri de nombreuses réflexions fondées sur ces deux processus historiques, notamment depuis les années 1970, autour par exemple des théories du philosophe italien Giorgio Agamben.
En cette année marquée par le centenaire de la révolution russe, ce colloque entend interroger les diverses manières par lesquelles les modèles révolutionnaires ont circulé entre la Révolution française et celle de 1917 en Russie. Il ne s’agit évidemment pas de juxtaposer des récits révolutionnaires, mais d’étudier comment des cas concrets ont donné à penser, mais aussi à mettre en pratique l’exception politique en révolution. Il va de soi que la guerre et la paix (dans une vision plus révolutionnaire que tolstoïenne), la notion de « Salut public », la « dictature » – théorisée et mise en pratique sous le nom de « dictature du prolétariat » en 1917 -, les institutions extraordinaires seront au cœur des réflexions collectives.

Vous trouverez ici les résumé des communications et les notices bio-bibliographiques des intervenants.

 

 

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