Dans le chapitre, « Lost in translation ? Black feminism, intersectionnalité et justice sociale », de l’ouvrage L’intersectionnalité ; enjeux théoriques et politiques, Patricia Hill Collins, sociologue afro-américaine spécialiste du Black Feminism, revient sur l’ancrage de l’intersectionnalité dans l’action politique des mouvements sociaux des années 1960 et 1970 pour expliquer comment les activistes ont aidé à sa légitimation et à forger ses ambitions dans le champ universitaire, celles d’un projet de production du savoir conçu dans un ethos de justice sociale. Telles étaient les intentions de Kimberlé Crenshaw dans son étude des violences domestiques subies par les femmes noires : produire une analyse détaillée des structures sociales et des dimensions de relationnalité pour des actions collectives en faveur de la justice sociale plus efficaces. Au fil de son intégration dans le monde académique et de son développement dans un vaste ensemble interdisciplinaire, cette dimension politique a été dissociée de la notion. Si des avancées concrètes en termes d’actions sociales dans le domaine de la santé par exemple ont été permises grâce aux recherches intersectionnelles, le pouvoir de contrôle du monde universitaire a affecté son potentiel émancipatoire et dépouiller le concept de sa valeur d’usage. Les raisons de son succès qui se traduit par un affaiblissement de sa force subversive doivent donc être interrogées.
Nous remercions l’éditeur La Dispute et Farinaz Fassa, Eléonore Lépinard, Marta Roca I Escoda, codirectrices de l’ouvrage L’intersectionnalité ; enjeux théoriques et politiques (2016), de nous avoir autorisés à reproduire un extrait du chapitre de Patrcia Hill Collins, « Lost in translation ? Black feminism, intersectionnalité et justice sociale ». Traduit de l’anglais par Martine Schaer. Texte produit pour la conférence plénière du 6e Congrès international des recherches féministes francophones, université de Lausanne, septembre 2012 (voir p. 7, en note).