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Médias sous influences:

Argent & extrêmes droites / Alternatives

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Coordination : Pierre Laurent et Hoël Le Moal 

ÉDITO

Le contrôle des médias et de leur pouvoir d’influence dans les débats politiques et de société est depuis longtemps un enjeu pour les «puissances d’argent», comme les nommait Jean Jaurès. Mais en ce début de XXIème siècle, la concentration capitalistique des médias prend un tour nouveau et particulièrement alarmant sous un triple effet conjugué : la prise de contrôle par d’énormes puissances financières, l’alliance de ces forces avec des extrêmes droites de tous poils, et la position dominante des GAFAM sur les données mondiales comme sur l’usage de l’IA générative. Argent, extrêmes droites et GAFAM : il y a vraiment péril en la démocratie. L’information, le débat public, la création, le pluralisme sont mis en danger. Le service public de l’audiovisuel devient une cible. L’enjeu n’est pas seulement économique. La bataille est politique et culturelle. Notre dossier dresse un état des lieux de l’ampleur des concentrations et de ses conséquences pour la liberté d’informer, de créer, de penser, de débattre. Il ouvre le débat sur les alternatives à construire, comme une invitation au réveil des consciences et à l’urgence de mobilisations citoyennes pour des médias et un débat public libérés de ces emprises mortifères. La contre-offensive est possible, et l’avenir démocratique le mérite.

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Bonne lecture!

Pierre Laurent 

Actualité du débat

Un état des lieux de la concentration politique et économique des médias

Les médias, épicentre de la bataille politique et culturelle

Une bataille d’hégémonie culturelle planétaire se joue actuellement en France, en Europe et dans le monde, entre d’un côté les forces et les idées d’émancipation, et de l’autre celles de forces ultraréactionnaires. Dans le bain et le matraquage médiatiques dominants s’efface la frontière entre le vrai et le faux, minant la libre délibération démocratique.

La guerre médiatique est déclarée

Hier, on pouvait accuser les milliardaires de faire main basse sur l’information. Aujourd’hui, ils contrôlent tous les principaux médias et les affrontements idéologiques se sont exacerbés. Leur contrôle de think tanks puissants, agents de propagation idéologique, et leur domination sur les plateformes numériques les placent dans une position de domination médiatique inédite.

Enjeux politiques et démocratiques de la concentration médiatique. Entretien avec Nathalie Sonnac et Alexis Lévrier

Que signifie la concentration médiatique dans le contexte actuel de la montée en puissance des Gafam, des réseaux sociaux et de l’IA, et alors que certains milliardaires des médias nourrissent un projet politique d’extrême droite? Comment doivent évoluer les outils de régulation et législatifs existants? Quels sont les nouveaux dispositifs à penser et mettre en œuvre? Quelle place et quels moyens donner à l’audiovisuel public dans ce nouvel environnement? Nathalie Sonnac et Alexis Lévrier confrontent leurs analyses et leurs propositions dans cet entretien vidéo réalisé par Hoël Le Moal.

AFP en danger, information menacée

L’AFP fait face en 2025 à une crise d’une gravité sans précédent qui, si rien n’est entrepris, pourrait à terme mettre en cause les fondements de la troisième agence mondiale de presse.

Hachette et Lagardère: brève histoire de la concentration dans le monde de l’édition

Spécialiste reconnu de l’histoire de l’édition, Jean-Yves Mollier a consacré plusieurs ouvrages à la concentration médiatique en France, notamment par l’étude du groupe Hachette. Voici quelques pages de sa synthèse, Brève histoire de la concentration dans le monde du livre (Libertalia, 2022). De l’échec de Lagardère face à Bouygues pour le rachat de TF1 à l’aventure désastreuse de La 5, aux ventes immobilières mirobolantes qui financent l’expansion, jusqu’à la mainmise sur les manuels scolaires, l’auteur révèle comment ce géant de l’édition a façonné, par sa stratégie capitalistique, le paysage médiatique français des années 1980-1990.

Une mise sous pression du débat public,

de la fabrication de l'information et de la création

Culture, patrimoine, fêtes… Le nouveau cheval de Troie de Pierre-Édouard Stérin

Avec ses 150 millions d’euros sur la table, le plan Périclès de Pierre-Edouard Stérin, visant à réaliser une union des droites extrêmes et à la faire gagner dans les têtes comme dans les urnes, est bien connu désormais, un an et demi après sa révélation par Thomas Lemahieu dans L’Humanité. Mais le milliardaire catholique identitaire, exilé fiscal en Belgique, ne se contente pas de ça… Il met également la main à la fois sur les fêtes populaires et sur tout le secteur du divertissement immersif dont fait partie la réalité augmentée, le «medium de l’engagement absolu».

La surmédiatisation réactionnaire, ou la fabrique de l’air du temps

L’émergence en France de médias acquis aux thèses ultraconservatrices transforme l’agenda médiatique en croisade pour conquérir l’hégémonie culturelle et idéologique. La surexposition des thèmes médiatiques de l’extrême droite contribue à leur hégémonie.

La subversion migratoire, fil d’ariane de la surmédiatisation réactionnaire

Déconstruire la problématique majeure du discours des extrêmes droites qui est le thème obsessionnel de l’immigration, c’est mesurer le fossé qui sépare d’un côté la réalité des faits du rouleau compresseur culturel et médiatique qu‘elles s’emploient à imposer.

La convergence médiatique des droites

La manière dont certains médias «traditionnels» contribuent à l’extrême droitisation du champ journalistique est moins étudiée. C’est ce à quoi s’emploie Pauline Perrenot d’ACRIMED dans cet article, en montrant que cette hybridation des droites médiatiques s’est opérée via le sacrifice de l’information au profit de l’éditorialisme.

Extrême droitisation et prolifération des fake news : l’arbre qui cache la forêt

Aux fake news qui envahiraient nos existences sont attribuées toutes sortes de conséquences politiques graves, et, parmi elles, la montée et les succès des idéologies d’extrême droite. Mais à laisser penser que c’est un lien de causalité parfaitement mécanique qui lie prolifération des fake news et extrême droitisation de nos sociétés, on prend le risque de ne savoir lutter efficacement ni contre l’une ni contre l’autre.

Infox: le carburant des extrêmes droites

En complément de l’article d’Ysé Vauchez dans ce dossier, voici un entretien avec Thomas Huchon, journaliste spécialiste des fake news. Ces dernières apparaissent comme une dégénérescence contemporaine du débat public en lien avec la progression de l’extrême droite. Mais quels sont les mécanismes qui lient les deux dynamiques ? En France, il apparaît que l’extrême droite a su investir avant les autres le web et les algorithmes. Les réseaux sociaux amplifient ces «infox», tandis que les médias traditionnels, malgré leurs failles, restent des remparts relatifs.

Comment s’informe-t-on par le numérique aujourd’hui? Viralité et radicalisation des sociétés

L’accès à l’information a été complètement bouleversé, en quelques années seulement, par la révolution numérique et les Big Data. Les conséquences pour le débat public sont importantes : la radicalisation des sociétés par les effets de bulle et de viralité.

Création audiovisuelle: notre métier glisse d’auteur à exécutant

Françoise Davisse livre un témoignage saisissant sur la production des documentaires dans la France contemporaine, entre contraintes éditoriales et poids du marché. La télévision publique étouffe oubliant sa mission : être l’espace où se créent et se confrontent les récits, où se construit une culture commune, conflictuelle et vivante.

Les alternatives à la mainmise sur les médias

Des alternatives possibles pour une réappropriation citoyenne des médias

Dans tout projet démocratique, les médias doivent être considérés comme un bien commun. C’est un enjeu vital aujourd’hui, dans une époque qui nous pose des questions à proprement parler civilisationnelles : quelle humanité voulons-nous être demain ? Pour quelle vie en commun ? Sur quelle planète ?

Affronter le capitalisme numérique

Comment pourrions-nous fonder des politiques progressistes sans nous efforcer de comprendre le capitalisme numérique et ses mécanismes qui influent sur les médias et la circulation des idées? Fernando Malverde nous propose une réflexion sur la manière dont les seigneurs de la Tech ont imposé leur domination, et les axes prioritaires permettant d’amorcer la lutte politique contre eux.

Mai 68 et après : moment d’histoire de la critique anticapitaliste des médias

A trop attribuer aux seuls libéraux les acquis de ce combat pour la liberté de la presse, on en oublierait presque que ce dernier avait aussi partie liée avec la lutte des classes. Ainsi, au moment de 1968, comme le montre cet extrait de l’ouvrage A bas la presse bourgeoise. Deux siècles de critique anticapitaliste des médias, de 1840 à nos jours, paru chez Agone en 2022. La critique anticapitaliste des médias dans les années 1960 et 1970 peut apparaître comme un outil pour penser le présent des alternatives à imaginer.

L’éminente responsabilité des journalistes

L’émancipation des travailleurs passera par les travailleurs eux-mêmes. L’assertion bien connue s’applique aussi au monde journalistique. Cela suppose de penser à nouveau frais la question de la déontologie journalistique, ce que nous propose Pierre Dharréville dans cet article, en partant d’une analyse du type particulier de responsabilité qui est la leur : une éthique collective à l’égard des faits et du public.

Service public et réforme de l’audiovisuel

Dans le contexte de discussions au Sénat et à l’Assemblée nationale sur une nouvelle loi portant réforme de l’audiovisuel (sans vision claire des gouvernements actuels sur un service public de qualité à l’ère du numérique), Jérôme Clément, ancien président de la chaîne arte, soumet au débat quelques alternatives et perspectives utiles à avoir à l’esprit (soutien au service public, état des lieux, débats et colloques afin de pousser la réflexion sur une structure d’Etat porteuse d’avenir).

Réformer l’audiovisuel? Chiche!

La proposition de loi «relative à la réforme de l’audiovisuel et à la souveraineté nationale», déposée en 2023, est revenue en débat à l’Assemblée nationale et rejetée. Michel Diard invite à débattre de la transformation de fond dont l’audiovisuel a besoin pour s’adapter aux évolutions technologiques qui ont bouleversé le paysage. Parmi les axes forts d’une réforme possible, l’auteur propose que le législateur assure l’indépendance des rédactions, et arrache la création audiovisuelle aux groupes privés.

Cinéma français : entre exception culturelle et approche industrielle

Le cinéma français est l’un des plus productifs et créatifs au monde, notamment grâce à un modèle spécifique de soutien via le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Mais il est confronté à l’émergence de nouveaux médias, et semble à la fois questionné et menacé, notamment depuis la crise pandémique qui l’a considérablement affecté. Marion Petit propose de soutenir et renforcer le rôle du CNC dans un contexte difficile, marqué par l’incursion de grands groupes capitalistes français.

L’indépendance du journal est une bataille quotidienne

Loi anti-concentration, réforme des aides à la presse, soutien à la lecture… Autant de mesures portées par Fabien Gay, directeur du journal L’Humanité. Mais la bataille est rude et suppose de soutenir la presse en la lisant et en la diffusant, car face aux médias extrême droitisés, la lutte pour l’accès aux moyens économiques qui permettent le développement de journaux libres est cruciale.

Repères

Vues d'ailleurs

Miroir