démocratie sociale

La démocratie sociale entre crise du politique et nouveaux enjeux capitalistes

L’approfondissement de la crise démocratique dont témoigne la gestion de la réforme des retraites par les gouvernements successifs sourds aux revendications du mouvement social s’explique par la crise multiforme du politique, la fragilité de la démocratie sociale et l’affaiblissement du syndicalisme. Or, comme Guy Groux le démontre dans cet article, les mutations du capitalisme liées à la révolution numérique et à la transition écologique dont les effets sur le travail, l’emploi et l’entreprise sont massifs, posent de façon pressante l’enjeu de la revitalisation de la démocratie sociale et de ses agents les syndicats.

«Les syndicats doivent prendre en charge la dimension politique de leurs discours»

François Hommeril, président de la CFE-CGC réaffirme la nécessité de l’indépendance des syndicats vis-à-vis des partis politiques. Il dénonce la déconnexion ainsi que l’incompétence des responsables politiques et des élites économiques. Il considère le gouvernement comme son principal interlocuteur et demande à ce dernier de mettre en place les conditions du paritarisme, c’est-à-dire de l’équilibre des forces sociales entre représentants du patronat et représentants des salariés. Il invite à élever le niveau des débats pour défendre les conquis sociaux du programme du Conseil National de la Résistance.

«L’avenir est dans le lien, dans le respect de chacun, entre politique, syndicat et mouvement social et associatif»

Face au capitalisme destructeur et à la crise démocratique, Fabien Roussel plaide pour une coopération entre syndicats et partis politiques, sans subordination ni cloisonnement, qui invente des passerelles durables, respectueuses de l’indépendance de chacun. L’enjeu est de construire un rassemblement fondé sur une conscience de classe déjouant les tentatives de division permettant de régénérer la démocratie sociale à partir des citoyens, des territoires et du monde du travail. Ceci dans l’objectif de contraindre les entreprises à prioriser l’intérêt des travailleurs et de la nation.

Des démarches complémentaires, des principes à respecter

Comment repenser l’articulation du rôle des partis et des syndicats dans la construction d’une alternative au capitalisme ? Selon Alain Obadia, il faut comprendre et respecter le rôle de chacun, afin d’envisager les relations syndicats/partis en termes de complémentarité. Les syndicats doivent obtenir des pouvoirs accrus au sein des entreprises, et les partis doivent s’engager en faveur du développement d’une véritable démocratie sociale.

Les rapports syndicats-partis politiques : du «dialogue constructif» à la nouvelle démocratie sociale

Selon Jean-Christophe Le Duigou, le syndicalisme ne doit pas s’affirmer, en lui-même, comme un contre-pouvoir, mais agir pour que les salariés s’emparent des pouvoirs dans le champ social et économique. Il revient dans cet article sur les enjeux du renouvellement du syndicalisme et aborde les liens à tisser avec les partis politiques ainsi que la future démocratie sociale à imaginer. 

Syndicalisme et politique en Allemagne

Le syndicalisme allemand s’est fondé après la Seconde Guerre mondiale sur les principes du syndicat unitaire, l’autonomie et la cogestion qui est au cœur du système de relations professionnelles. Selon Heinz Bierbaum, les syndicats n’en sont pas pour autant apolitiques. Au contraire, les liens avec les partis existent en particulier avec la social-démocratie, ce qui peut nuire à leur combativité. Alors que les dernières élections ont profondément modifié les équilibres politiques, l’auteur plaide pour des syndicats réellement autonomes et offensifs face à la régression sociale et à la militarisation croissante, pour transformer l’industrie et défendre les services publics.

Articuler revendications professionnelles et horizon politique. Le défi du syndicalisme de lutte

Après un rappel des différentes conceptions de l’indépendance syndicale et de l’histoire des relations entre la CGT et le PCF, Laurent Frajerman questionne la politisation du syndicalisme comme réponse à son affaiblissement et moyen de le redynamiser. Face aux tendances lourdes que sont la domination des syndicats modérés majoritaires dans le secteur privé, et l’expression des salariés qui dans les enquêtes plaident pour que les syndicats se concentrent sur les revendications professionnelles, l’intervention des syndicats dans le champ politique comporte selon lui des risques de division, de radicalisation et de fragilisation. L’auteur préconise au contraire l’autolimitation du syndicalisme pour préserver les cadres communs contre l’atomisation ambiante.

Restructurations et dépolitisation par le bas du syndicalisme

On aborde généralement la dépolitisation du syndicalisme à l’aune de l’érosion des liens entre les directions confédérales et les partis de gauche. Depuis les années 1990, l’indépendance vis-à-vis des partis et la prise de distance avec le champ politique se sont en effet imposées comme un dénominateur commun des discours et de l’action des principales organisations syndicales. Dans l’esprit des dirigeants confédéraux, l’obtention de compromis et d’avancées immédiatement favorables aux salariés serait désormais à rechercher du côté des dispositifs de la « démocratie sociale » (la négociation collective, le paritarisme), et ce indépendamment du contexte politique plus général. Cette réaffirmation confédérale d’une autonomie syndicale mérite toutefois d’être envisagée dans ses articulations avec les évolutions du rapport à l’action syndicale des militants « ordinaires » dans les entreprises et les administrations. C’est l’objectif de cet article, dans lequel Pierre Rouxel s’appuie sur une enquête comparative sur les mutations du syndicalisme dans l’industrie, menée notamment auprès de syndicats CGT de la métallurgie et du papier-carton.

Syndicats: de la démocratie sociale au pouvoir économique

Depuis quarante ans, le syndicalisme a démontré ses capacités à contester les décisions du patronat et de l’État et à proposer des pratiques alternatives, aussi bien économiques que démocratiques. Guillaume Gourgues et Maxime Quijoux reviennent sur cette histoire et sur la tendance actuelle à l’affaiblissement des organisations syndicales. Ils ouvrent des pistes pour construire une « capacité de réappropriation salariale » permettant de rééquilibrer le rapport de force entre le bloc patronal et les collectifs de travail et d’implanter une véritable démocratie dans l’entreprise.

L’urgence d’une nouvelle ère démocratique

À l’encontre des dérives autoritaires et du discrédit de la politique, de fortes aspirations existent partout dans le monde pour des formes nouvelles de démocratie participative et d’intervention directe. Ce dossier vise à explorer les voies qui permettraient aux populations de peser effectivement dans les processus de prises de décisions tant dans la Cité que dans le monde économique et donc dans l’entreprise.