Billet du 20 mars 2025
9 octobre 2023. Deux jours après l’attaque surprise du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, l’État hébreu ordonne un « siège complet » de la bande de Gaza. « Pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture, pas de carburant », dit le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, qui a eu cette phrase explicite pour afficher la détermination de son pays : « nous combattons des animaux humains, et nous agissons en conséquence ».
Déshumaniser autrui
Parler d’êtres humains, enfants, femmes et hommes, en terme d’« animaux humains », c’est s’engager dans un processus de déshumanisation.
Cette désignation abolit la frontière biologique et sociale entre l’espèce des humains et l’espèce des animaux. Certes, dans une perspective antispéciste généreuse, on tend à rapprocher les animaux des humains par leurs capacités cognitives, émotionnelles ou communicationnelles. Mais la déshumanisation procède d’un mouvement inverse : dégrader les humains, les avilir au rang d’animaux et les traiter comme tels sans aucune honte ou compassion.
Il faut anéantir les Palestiniens comme autant de bêtes et par tous les moyens. Ainsi le 10 octobre 2023 devant les soldats israéliens d’une unité de Tsahal ayant combattu près du kibboutz Be’er, Y. Galant disait : « Le Hamas voulait un changement à Gaza, cela changera à 180 degrés par rapport à ce qu’il pensait. Ils regretteront ce moment. Gaza ne reviendra jamais à ce qu’elle était. J’ai levé toutes les restrictions – nous tuons tous ceux qui nous combattent, nous utilisons tous les moyens. »
Colonisation
Ramener les humains à des animaux est un processus politique et social caractéristique des entreprises ou des régimes racistes. Ce fut le cas de la colonisation où, pour légitimer cette politique, on inventa la distinction entre « nous les civilisés », et « eux les sauvages, les barbares », pas vraiment, pas tout à fait des hommes comme l’homme blanc.
Cette distinction, qu’aucune donnée scientifique ne permet de fonder, a permis la mise en place en Europe et aux USA des zoos humains, de 1820 à 1940.

Exhibés, montrés dans leurs différences de couleur, de vêtements, de façons d’être, de mœurs, les colonisés étaient ravalés à des curiosités devant qui les populations blanches venaient s’extasier et entretenir leur sentiment de différences insurmontables avec ces « sauvages ».

Parfois même, on imaginait que le fossé entre l’espèce animale et ces humains pas tout à fait humains pouvait être franchi, un accouplement possible donnant naissance à « une curieuse progéniture » (voir l’affiche « Attraction Unique Sensationnelle! » réalisée en 1895 par Cândido de Faria, caricaturiste brésilien, après son séjour à Paris en 1882, représentant côte à côte un portait de singe et celui d’un homme africain).
Ainsi ces autres non civilisés pouvaient devenir des monstres, difformes. Ce fut le cas de cette malheureuse femme hottentote, exhibée nue dans toute l’Europe afin que les Blancs puissent à loisir s’étonner ou se moquer de ses caractéristiques anatomiques :

Le nazisme
Dans l’Allemagne nazie raciste, c’est le Juif qui subit le processus déshumanisation. Il fut souvent caricaturé sous la forme d’animaux, comme cet asticot dévorant le monde :

Cette représentation dégradante illustrait les propos d’A. Hitler dans Mein Kampf : « Le Juif est l’asticot d’un corps en corruption, une pestilence, pire que la peste noire d’autrefois ; l’araignée qui suce lentement le sang des peuples, une bande de rats qui se combattent jusqu’au sang, le parasite dans le corps des autres peuples, le parasite typique, un pique-assiette, qui va se multipliant comme un microbe nuisible, le vampire des peuples. » Mein Kampf (1925).
On sait que la déshumanisation a accompagné toutes les étapes de la Shoah, depuis les voyages vers les camps de concentration entassés dans les wagons à bestiaux, les tatouages faisant disparaître toute trace d’identité, etc.

Et les Gazaouis ?
Gaza serait-il devenu un immense « zoo humain » parcouru par des survivants, hommes, femmes et enfants, condamnés à errer parmi les ruines de leurs maisons, de leur terre, déshumanisés et rabaissés au statut inférieur d’« animaux humains » par le gouvernement et l’armée israéliens ?
