Daniel Bart et Bertrand Daunay critiquent la logique interne du discours de PISA (programme international de suivi des acquis des élèves). Ils ciblent notamment son caractère « incantatoire » et « prothétique ».
Créée en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Programme international de suivi des acquis des élèves (PISA) publie, tous les trois ans, une étude comparative réalisée sur un échantillon de jeunes de 15 ans. Le PISA s’intéresse à trois domaines de compétences : la compréhension de l’écrit, la culture scientifique et la culture mathématique. Pour l’édition 2015, plus de 70 pays ont participé.
À chaque édition, les résultats sont abondamment commentés dans la presse. Cela a été encore le cas avec la dernière, rendue publique le 6 décembre 2016. Pour ce qui est de la France, c’est le caractère inégalitaire de notre système éducatif qui ressort (Le Monde, 6 décembre 2017).
Mais au-delà du commentaire des résultats, quelle est la nature du discours de l’institution PISA ? C’est sur cet aspect que se concentre le récent ouvrage de Daniel Bart et Bertrand Daunay (lire l’entretien dans l’Humanité, du 6 décembre 2016) ). Ces deux enseignants-chercheurs de l’université de Lille ciblent notamment le caractère «incantatoire» et «prophétique» de la «littérature» produite par le fameux programme.
Cet extrait des Résultats du Pisa 2012, Volume 5 est certainement l’un des plus emblématiques : « Face à une société, un environnement et des technologies en constante évolution, ce que nous devons savoir pour nous réaliser pleinement dans la vie change tout aussi rapidement. Les jeunes de 15 ans d’aujourd’hui sont les Robinson Crusoé d’un futur encore incertain ».
Le Pisa « se donne très sérieusement comme le garant d’un discours transparent sur la vérité des choses de l’éducation ».
Une vision quelque peu anxiogène de l’avenir, dont on pourrait interroger la motivation réelle : peut-être une volonté de désamorcer par avance tout débat sur l’orientation des changements invoqués, sur les moyens de leur maîtrise démocratique ? Nombre de citations compilées dans le présent ouvrage relèvent en tout cas d’une même rhétorique de l’adaptation à marche forcée à un « futur incertain ».
Cependant, en tant qu’universitaires, Daniel Bart et Bertrand Daunay se refusent ici à toute considération idéologique, préférant maintenir leur critique sur le terrain de la logique interne du discours de PISA, où il y a déjà beaucoup à dire. « Ce qui est (…) curieux, notent-ils en particulier, à l’appui de la précédente citation, c’est que le Pisa, qui reste un simple instrument d’évaluation, se donne très sérieusement comme le garant d’un discours transparent sur la vérité des choses de l’éducation, pour le présent comme pour l’avenir ». Une prétention que leur livre contribue à défaire.
Daniel Bart, Bertrand Daunay, Les blagues à PISA. Le discours sur l’école d’une institution internationale, Éditions du Croquant, 2016, 132 p.