Lutte contre les violences conjugales faites aux femmes: un combat bien spécifique, un combat politique

Les mobilisations de femmes dans les années 1970 ont posé les bases d’un combat contre les violences conjugales, en développant un réseau de lieux d’accueil et d’hébergement fondés sur des principes de fonctionnement féministes. Mais c’est à partir du mouvement #Me Too que s’effectue une prise de conscience de ces violences spécifiques, notamment des « féminicides ». Dans cet article, Annie Léchenet revient sur les mesures politiques contrastées mises en œuvre pour endiguer ce phénomène social dont la responsabilité incombe à la société, à ses rapports sociaux et ses pouvoirs publics. L’augmentation des places d’hébergement depuis 2017 ne doit pas escamoter la stagnation dans l’insuffisance des subventions allouées aux associations, en première ligne dans ce combat. La lutte contre les violences conjugales nécessite en outre de solides réflexions et actions de prévention, notamment éducatives, qui restent encore à développer.

©Gustave Deghilage (Creative commons)

Les violences sexuelles intrafamiliales, un sujet éminemment politique

Le décalage entre l’étendue des violences sexuelles intrafamiliales et la modicité de la réponse politique interroge. Le mouvement #Metooinceste vient pourtant de rappeler l’ampleur d’un problème qui s’enracine dans les rapports de domination de l’ordre patriarcal. Véritable enjeu de santé publique, les maltraitances sexuelles à l’égard des enfants se perpétuent à mesure qu’ils restent impunis. Mié Kohiyama plaide ainsi pour une nécessaire reconnaissance législative de l’amnésie traumatique ainsi que pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur.e.s, ce qui renforcerait la possibilité pour les victimes d’obtenir réparation de leur préjudice.

La libération de la parole

L’explosion mondiale de témoignages publics de femmes ayant subi des violences sexuelles constitue sans aucun doute l’un des faits les plus marquants des cinq dernières années. Dans le sillage du mouvement MeToo, de nombreuses voix, anonymes pour la plupart, se sont élevées pour dénoncer harcèlements, viols et féminicides. Christine Bard discute ici des précédents de cette prise de parole féminine, amplifiée par les réseaux sociaux, en la restituant dans l’histoire des luttes féministes. La question du viol suscite dès la fin des années 1970 une mobilisation pour sa criminalisation et la levée du tabou qui l’entoure. Depuis, cette réalité, désormais mieux informée par la recherche, est devenue, pour beaucoup, inacceptable. L’ampleur du mouvement actuel semble bien indiquer un profond changement des mentalités.

La lutte contre la précarité menstruelle, enjeu d’égalité et de santé publique

L’écoulement cyclique chez les femmes d’un composé de sang, de sécrétions vaginales et de cellules utérines constitue sans doute l’un des tabous les mieux ancrés dans les sociétés humaines. Souvent tues, les règles représentent un coût financier pourtant non-négligeable pour accéder à des biens d’hygiène intime. Ces dépenses ne sont toutefois pas à la portée de toutes. L’association Règles Élémentaires revient dans cet article sur la précarité menstruelle et les conséquences délétères tant sur le plan de la santé physiologique que psychologiques qui en résultent. Un meilleur accès à la gratuité aux protections périodiques et la transmission scolaire d’une information spécifique sur les règles permettraient de réduire ce qui relève des inégalités sociales de santé.

Le droit à la ville pour les femmes

L’occupation de la rue par les femmes ne va pas de soi. La division genrée de l’espace public procède de la division traditionnelle des activités sociales entre hommes et femmes. Corinne Luxembourg propose ici une réflexion sur cette logique d’assignation des places dans les villes entre hommes et femmes. L’espace exerce une contrainte et un contrôle sur les corps. A travers l’exemple de Gennevilliers, l’autrice montre comment une réflexion sur l’aménagement urbain peut améliorer les conditions de déplacement des femmes dans la ville.

La pratique du «pipi-sauvage» dans l’espace public parisien entre représentations et assignations de genre

Le besoin d’uriner fait partie des impondérables physiologiques qui s’imposent à tout être humain. Sa satisfaction dans des toilettes publiques ou dans la rue ne relève pourtant pas d’une même pratique pour les hommes et pour les femmes. En s’intéressant au « pipi sauvage » urbain, Sarah Bourcier Laskar interroge ainsi les inégalités genrées d’accès à l’espace public, les différences de jugements, de perceptions ou encore de faisabilité selon les sexes. Afin de corriger ces inégalités, une rénovation des équipements dans les toilettes publics pour les femmes s’avère nécessaire.

Le langage est politique! Pratiques et (contre)-mobilisations autour du langage non sexiste

Depuis la controverse initiée à l’automne 2017 sur l’« écriture inclusive », la question des inégalités de genre dans le langage a gagné en audience dans l’espace public. Si le débat a sans conteste contribué à faire la publicité du langage non sexiste, les discours pourfendant son usage en ont également véhiculé des représentations erronées. Dans cet article, Gwenaëlle Perrier revient sur la diversité des pratiques du langage non sexiste, explique combien la langue contribue à influencer nos représentations et montre comment les controverses autour de ce langage constituent un terrain d’expression des féminismes et en réaction, de l’antiféminisme.

Musiques actuelles, musiques masculines

Comme le sport, la musique a un genre. La prégnance d’un entre-soi masculin et l’exclusion corollaire des femmes dans l’économie des musiques actuelles en constituent un exemple saillant. Yves Raibaud montre ici comment des aides et des subventions publiques distribuées par des hommes profitent majoritairement à des groupes de musiciens hommes qui y trouvent une prime à la professionnalisation. Toute l’économie de ce secteur fonctionne par cooptation genrée et porte aujourd’hui une nouvelle génération de cultures masculines. L’auteur plaide ainsi pour une distribution plus égalitaire des ressources publiques dans un domaine d’activité professionnelle où les femmes sont pourtant plus nombreuses à investir les écoles de formation, mais bien moins nombreuses lorsqu’il s’agit d’accéder aux scènes de concert.

Ils osent le fer – Repasser pour l’Égalité

La liberté collective passe nécessairement par une égalité en droits et en faits entre hommes et femmes. De la prostitution aux corvées ménagères, le refus des inégalités entre les sexes incite ainsi des hommes à se mobiliser. Dans ce chapitre, extrait de son dernier livre, Florence Montreynaud met en scène des militants de Zeromacho, collectif d’hommes engagés contre le système prostitutionnel. Pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, ils organisent des actions symboliques de rue, pour apprendre le repassage à d’autre hommes et les sensibiliser ainsi au partage plus juste des tâches ménagères.

Rentrée 2021 : la nécessaire convergence des féminismes pluriels

Le retour d’un gouvernement taliban en Afghanistan présage un recul conséquent des droits des femmes dans le pays. Véronique Nahoum-Grappe interroge ici leur élimination de l’espace public et leur invisibilisation physique. L’autrice propose de définir comme crime contre l’humanité cette discrimination spécifique qui tend à éliminer toute action et présence des femmes des institutions et espaces publics, ce qui constitue une tentative d’élimination symbolique de leur identité de genre. Elle plaide pour une nécessaire conciliation des courants féministes, par-delà leurs oppositions théoriques, afin de soutenir les femmes afghanes.