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Sapiens, une espèce en devenir

Sapiens, une espèce en devenirTemps de lecture : 4 minutes

Yuval Noah Harari, dans son livre Sapiens : une brève histoire de l’humanité, raconte les trois révolutions qui ont fait de l’homo sapiens l’Homme du XXIe siècle. Il interroge, à l’aune des progrès de la science, jusqu’où celui-ci ira-t-il dans son évolution, pour le meilleur et pour le pire.

Yuval Noah Harari est professeur d’Histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem.

Spécialiste en histoire médiévale et militaire, il publie en 2015 Sapiens : une brève histoire de l’humanité (Albin Michel, 450 p.), qui suscite immédiatement l’intérêt des universitaires aussi bien que du grand public. L’ouvrage est traduit dans plus de trente langues et son auteur, désormais célébrité mondiale, lui a donné une suite, Homo deus, une brève histoire du futur (Albin Michel, 2017).

À la lecture de Sapiens, on est admiratif devant l’érudition et la maestria de l’auteur. Devant son audace également. Harari est de ces historiens qui en appellent à d’autres disciplines – la biologie, l’économie, la psychologie – pour exposer une manière d’histoire totale de l’humanité, qui débute quand Sapiens s’impose aux autres espèces humaines et s’achève en notre XXIe siècle débutant. Car, écrit-il, « qu’on le veuille ou non, nous sommes membres d’une grande famille particulièrement tapageuse : celle des grands singes. Parmi nos plus proches parents vivants, figurent les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans et les gibbons ». Et d’ajouter que si nous nous sommes appropriés le titre d’« humain », il y a eu bien d’autres espèces humaines, parmi lesquelles Homo neanderthalensis, Homo soloensis, Homo floresiensis, Homo erectus.

Pourquoi Sapiens est-elle la seule de toutes ces espèces à peupler la planète ? Selon Harari trois grandes révolutions en sont l’explication.

  • Il y a, d’abord, la survenue d’une révolution cognitive, il y a environ 70 000 ans. Sapiens commence alors à avoir des comportements plus ingénieux, son langage évolue de même que sa capacité à coopérer.
  • Plus tard, il y a environ 11 000 ans, c’est la révolution agricole, quand Sapiens passe de la chasse et de la cueillette pour subvenir à ses besoins, à l’agriculture c’est-à-dire à la maîtrise de la nature.
  • Plus tard encore, et très près de nous, il y a la révolution scientifique, que Harari fait débuter il y a 500 ans et dont il dit que Sapiens devient alors dangereux pour la planète et pour nous-même.

Sapiens, un animal doué d’imagination

Plus que notre passé, c’est notre présent et notre avenir qui intéresse Harari. C’est pourquoi, tout au long de son livre, il consacre du temps à évaluer les conséquences de notre évolution sur nos comportements actuels et futurs.

Si nous avons réussi à contrôler le monde, c’est que nous sommes les seuls animaux capables de coopérer de façon flexible et en très grand nombre. Seul face à un gorille, Sapiens a peu de chance de s’imposer. Mais à 1 000 contre 1 000, nous l’emporterons car les gorilles seront incapables de s’organiser entre eux.

Pourquoi sommes-nous capables d’une telle cohésion ? Selon Harari, grâce à l’imagination. Il écrit : « Nous pouvons créer et croire à la fiction, aux histoires fictives ». Selon lui, les États, les lois, les entreprises et, surtout, l’argent sont des histoires inventées par nous et pas des réalités objectives, les seules qui comptent pour les animaux. Et d’ajouter : « Nous contrôlons le monde parce que nous sommes dans une réalité double, tous les autres animaux vivent une réalité objective ».

Vers quoi nous mènent ces révolutions ? Harari n’est pas forcément optimiste sur notre avenir.

Sapiens, au-delà de l’évolution

Pour lui, à l’aube du 21e siècle, Sapiens dépasse ses limites biologiques. Il commence à briser les lois de la sélection naturelle pour les remplacer, écrit-il à la fin de son livre, par les lois du « dessein intelligent ». Son but ? Devenir immortel, ce qui pourrait se produire de trois façons différentes.

  • Par le « génie biologique». Quelle ampleur vont prendre, à l’avenir, les manipulations biologiques auxquelles Sapiens se livre déjà ? Harari évoque ici une potentielle manipulation capable de vaincre la maladie d’Alzheimer. Au passage, elle donnerait une super-mémoire au patient. Les gens sains ne voudront-ils pas en profiter ? Les plus aisés socialement ne seront-ils pas les premiers – le cas échéant les seuls – à en bénéficier jusqu’à devenir ainsi supérieurs aux autres ?
  • Par le « génie cyborg», soit un mélange de parties organiques et non organiques. Cela existe déjà, notamment en matière d’aide auditive, d’implants divers, de membres bioniques…
  • Par le « génie de la vie inorganique», c’est-à-dire les intelligences artificielles.

À terme rapproché, et sous l’effet de toutes ces transformations, l’être humain sera-t-il toujours Homo sapiens ?

Pour Harari, il peut en résulter des transformations essentielles de la conscience et de l’identité humaines, au point de remettre en question le mot même d’« humain ». Harari interroge : que voulons-nous devenir ? Homo sapiens est-il aujourd’hui en passe de devenir un dieu, susceptible d’acquérir non seulement une jeunesse éternelle, mais également des capacités « divines » de destruction et de création ?

Sapiens : une brève histoire de l’humanité est un énorme succès de librairie et si, le plus souvent, le livre est vivement salué – et même parfois encensé – il a aussi ses détracteurs, qui lui reprochent de la négligence, de l’exagération, du sensationnalisme.

Il reste qu’il devrait plaire cependant à tous les sapiens qui s’interrogent sur l’avenir de leur espèce.

Pour citer cet article

Michel Maso,« Sapiens, une espèce en devenir », Silomag, n° 3, juillet 2017. URL: https://silogora.org/sapiens/

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