société de consommation

Le projet d’une société chinoise de consommation

De la nécessité au plaisir, le développement du marché intérieur de la Chine a permis à une partie de sa population d’améliorer ses conditions de vie. En réorientant vers les ménages la distribution des biens qu’il produit, l’« atelier du monde » a relancé la consommation du pays pour assurer sa croissance économique. Dans cet article, Gilles Guiheux examine le renversement de l’attitude du Parti communiste chinois à l’égard de la consommation dans la seconde partie du 20e siècle. Il montre ainsi comment à partir des années 1990, la consolidation de la classe moyenne participe d’un projet politique d’organisation de la paix sociale, laissant les classes populaires aux marges de cette félicité économique.

Militer pour mieux consommer

Pour les thuriféraires de la démocratie réalisée par l’économie de marché, la consommation relève du plein exercice citoyen de la participation politique. Depuis les années 1970, elle fait également l’objet d’un investissement militant visant à protester contre les pratiques jugées néfastes de certaines entreprises. Diverses formes d’engagement pour et par une consommation responsable et éthique contribuent ainsi à politiser cet enjeu. Dans cet article, Philip Balsiger en présente les différentes aspects, historiques et stratégiques, tout en questionnant les limites de ce militantisme moral qui permet à la petite-bourgeoisie et à la bourgeoisie culturelles portant ces revendications de se démarquer des autres classes sociales.

L’obsolescence programmée: une histoire de consommation

Inventée par un agent immobilier américain comme solution à la Grande Dépression, pour lutter contre le chômage de masse en renforçant l’activité des entreprises, la notion d’obsolescence programmée pose la question de la soutenabilité d’une politique économique de consommation et de production intensives qui engendre une démultiplication des déchets. Du raccommodage au gaspillage, le rapport aux objets – notamment à leur durée d’usage – s’est modifié à mesure que se généralisait l’accès aux biens de consommation, produits en quantité exponentielle. Julie Madon traite ici du problème de l’obsolescence des objets en l’insérant dans une histoire plus large de la consommation.

La société de consommation. Mythes et démystificateurs

La notion de « société de consommation » s’est imposée avec une telle évidence qu’on en interroge rarement le sens. Elaborée dans les années 1960 par des intellectuels critiques, marxistes hétérodoxes, elle engage la représentation d’un consommateur nécessairement aliéné par la perpétuelle recherche de satisfaction de besoins artificiels, antithèse de l’agent économique libre, souverain et bien informé, défendu par les intellectuels libéraux qui promeuvent la démocratie par la société de marché. Dans cet article, Louis Pinto revient sur l’histoire des luttes symboliques et des cécités croisées qui ont participé à forger la figure du consommateur, invention contemporaine stabilisée et aujourd’hui consacrée dans sa version libérale par le droit.

La consommation: un enjeu politique

Il n’aura pas fallu attendre la guerre en Ukraine et les répercussions indirectes dans le budget énergétique des ménages européens pour sentir à quel point notre consommation était prise dans l’entrelacs des interdépendances économiques internationales. La vision irénique de l’éden consumériste entretenue par les prosélytes de l’économie de marché et l’activité soutenue de l’industrie publicitaire s’est obscurcie au grès des crises successives contemporaines, financières, sanitaires, climatiques et militaires. La passe d’armes récente entre les États-Unis et la Chine relative à Taïwan qui concentre près de 60% de la production mondiale de semi-conducteurs – composant primordial pour l’industrie technologique, civile et militaire – témoigne du regain de tensions entre les États pour garantir leur puissance en assurant leur souveraineté économique. Tout autant que le libre-échangisme qui fait du prix à la consommation le critère principal d’évaluation d’un bien ou d’un service, le protectionnisme dépoussiéré qui sourd outre-Atlantique n’émane pas d’un ordre naturel mais d’un ordre politique institué où se (re)définissent les conditions de production et d’appropriation des biens.