unité
Au-delà de la panique morale de la droite à l’égard de l’intersectionnalité, la notion fait polémique à gauche où elle a tracé une ligne de clivage entre les tenants d’un « class first » d’une part, et les partisans d’une équivalence des formes de dominations autonomisées et essentialisées. Salomé Bouché-Frati déconfine ici le débat par une lecture marxiste du lien organique entre les rapports sociaux de classe, de sexe et de race.
Si la question de l’articulation des luttes fait problème, avec la possibilité d’une rivalité entre les nouveaux sujets politiques qu’elles cherchent à instituer, en comprendre les causes implique d’interroger la façon dont les lignes de fracture de la réalité sont conceptualisées dans les courants féministes et antiracistes…
Les critiques de la domination sociale sont traversées depuis les années 1980 par une tendance à produire une lecture autonomisée des formes d’oppression. Depuis la sociologie des nouveaux mouvements sociaux (Alain Touraine) jusqu’à la théorie politique post-marxiste (Chantal Mouffe et Ernesto Laclau), la structure de classe cède peu à peu le pas au primat de la conflictualité, d’un antagonisme qui s’extirperait du champ de la production.
En rappelant que la complexité et l’intrication des dominations ont été analysées dès le 19e et le début du 20e siècle par les auteurs et autrices marxistes, communistes et socialistes, Florian Gulli interroge les apports réels de l’intersectionnalité dans la compréhension des rapports sociaux et leur transformation.
S’émanciper, c’est aspirer à se soustraire à une emprise, une tutelle ou une domination qui entravent la liberté de décider et d’agir de façon autonome. Cette aspiration a une dimension juridique, qui consiste à devenir légalement responsable de ses actes. Mais elle a surtout un caractère politique, au sens où elle appelle une modification d’un ordre institué de relations sociales…