Débats et alternatives
Cet espace vise à rendre compte du mouvement et de la confrontation des idées. Les contributions doivent permettre d’approfondir ou de présenter une thématique en lien avec une actualité politique, sociale, économique ou encore scientifique. À titre d’illustration, les contributeurs peuvent présenter une opinion argumentée, un état des lieux d’une question ou d’une recherche scientifique ou encore les enjeux d’une controverse.
Il existe des sous-rubriques qui peuvent varier en fonction des dossiers :
des repères afin de situer et d’éclairer la thématique (focus, chronologie, définitions, chiffres clés, etc.) ;
des pensées et pratiques alternatives car notre ambition ne se résume pas à décrire l’ordre des choses, mais également penser et faire connaitre des transformations progressistes;
des expériences étrangères afin de s’interroger sur les mouvements de convergences et de divergences entre les différents pays.
Le marché africain de l’identification biométrique est en forte expansion depuis 2010. En s’appuyant sur le cas du Kenya, Héloïse Grard met en perspective les enjeux politiques du développement contemporain de cette technologie d’État au regard de la domination coloniale européenne passée. L’assignation à chaque citoyen.ne d’un numéro d’identification unique regroupant l’ensemble des informations connues par les administrations suscite aujourd’hui des mobilisations, pour éviter notamment qu’une partie de la population soit écartée de la reconnaissance juridique et des droits afférents, en raison des contraintes techniques de convergence des bases de données.
Les politiques néolibérales des gouvernements successifs n’en finissent pas de saper les fondements du service public de l’éducation depuis 20 ans. En 2018, la loi Orientation et réussite des étudiants met en place la plateforme Parcoursup pour affecter les étudiant.e.s dans les formations de l’enseignement supérieur. Elle entérine un principe de sélection, tout en produisant et concentrant un volume conséquent d’informations dont sont friands les marchés pour leur fonctionnement. A partir de son expérience à Science Po Bordeaux, Vincent Tiberj nous éclaire dans cet entretien sur les implications concrètes des algorithmes de sélection dans l’enseignement supérieur.
Le temps où l’on offrait à boire au facteur est bel et bien révolu. A La Poste, le temps est devenu l’un des facteurs du profit. La recomposition des cadences qui y a cours et la surcharge de travail qui en découle réactualisent l’ancien mythe tayloriste d’une organisation « scientifique » du travail. Les organisateurs de bureau assistés d’outils informatiques, d’algorithmes, se sont substitués aux vérificateurs de terrain chronométrant la durée des tournées au début du 20e siècle. Nicolas Jounin examine dans ce texte les transformations actuelles de l’activité des facteurs et des factrices, pris dans la contradiction d’une augmentation des distances à couvrir, notamment due à la diminution drastique du nombre de centres de distribution, et la réduction des volumes du courrier.
La généralisation à l’ensemble du monde du travail du management algorithmique, initialement développé dans les entreprises plateformes, semble être en bonne voie. Les imprévues du réel constituent pourtant un solide obstacle à l’automaticité des tâches prescrites par un algorithme imperméable aux événements qu’il ne connait pas. Dans cet article, Matthieu Trubert interroge ainsi l’opportunité de confier l’organisation et l’animation d’un groupe de travail à une machine opérant une série de calculs. Se pose notamment le problème central de la responsabilité morale et juridique des décisions.
La nécessaire adaptation des travailleurs.euses aux évolutions du mode de production capitaliste et l’impérative acceptation de la flexibilité des conditions de leur travail est une vieille rengaine du techno-libéralisme. C’est donc sans surprise que l’instrumentalisation actuelle des technologies numériques par les entreprises de plateforme tend à se soustraire au cadre socialisé du travail, autrement dit, aux droits acquis pendant la révolution industrielle. En se référant aux batailles juridiques en France et aux revendications syndicales européennes, Jean-Luc Molins éclaire ici les enjeux contemporains de la transformation du lien de subordination des travailleurs.euses, du salariat à l’auto-entreprenariat.
Avec l’essor des technologies numériques de nombreux biens et services sont désormais à portée de clic du consommateur. Dans cet article, Kristin Jesnes et Thiphaine Le Gauyer discutent la spécificité de l’implantation des plateformes numériques sur le marché du travail norvégien en s’appuyant sur le cas des coursiers employés par Foodora et subordonnés à un contrôle algorithmique de leur activité. Si la négociation occupe une place centrale comme mode de régulation des relations de travail entre salariés et employeurs en Norvège, l’arrivée des travailleurs sous statut d’« indépendants », non-soumis aux conventions collectives, déséquilibre ce compromis historique.
En France, dans les débats politiques courants, on parle de présidentialisation du régime politique pour…