Depuis la controverse initiée à l’automne 2017 sur l’« écriture inclusive », la question des inégalités de genre dans le langage a gagné en audience dans l’espace public. Si le débat a sans conteste contribué à faire la publicité du langage non sexiste, les discours pourfendant son usage en ont également véhiculé des représentations erronées. Dans cet article, Gwenaëlle Perrier revient sur la diversité des pratiques du langage non sexiste, explique combien la langue contribue à influencer nos représentations et montre comment les controverses autour de ce langage constituent un terrain d’expression des féminismes et en réaction, de l’antiféminisme.
Comme le sport, la musique a un genre. La prégnance d’un entre-soi masculin et l’exclusion corollaire des femmes dans l’économie des musiques actuelles en constituent un exemple saillant. Yves Raibaud montre ici comment des aides et des subventions publiques distribuées par des hommes profitent majoritairement à des groupes de musiciens hommes qui y trouvent une prime à la professionnalisation. Toute l’économie de ce secteur fonctionne par cooptation genrée et porte aujourd’hui une nouvelle génération de cultures masculines. L’auteur plaide ainsi pour une distribution plus égalitaire des ressources publiques dans un domaine d’activité professionnelle où les femmes sont pourtant plus nombreuses à investir les écoles de formation, mais bien moins nombreuses lorsqu’il s’agit d’accéder aux scènes de concert.
La liberté collective passe nécessairement par une égalité en droits et en faits entre hommes et femmes. De la prostitution aux corvées ménagères, le refus des inégalités entre les sexes incite ainsi des hommes à se mobiliser. Dans ce chapitre, extrait de son dernier livre, Florence Montreynaud met en scène des militants de Zeromacho, collectif d’hommes engagés contre le système prostitutionnel. Pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, ils organisent des actions symboliques de rue, pour apprendre le repassage à d’autre hommes et les sensibiliser ainsi au partage plus juste des tâches ménagères.
Le retour d’un gouvernement taliban en Afghanistan présage un recul conséquent des droits des femmes dans le pays. Véronique Nahoum-Grappe interroge ici leur élimination de l’espace public et leur invisibilisation physique. L’autrice propose de définir comme crime contre l’humanité cette discrimination spécifique qui tend à éliminer toute action et présence des femmes des institutions et espaces publics, ce qui constitue une tentative d’élimination symbolique de leur identité de genre. Elle plaide pour une nécessaire conciliation des courants féministes, par-delà leurs oppositions théoriques, afin de soutenir les femmes afghanes.
Dans ce court extrait d’entretien, Christine Bard revient sur l’actualité des luttes féministes, pas si radicale qu’on se plaît à le ressasser (ou que d’autres le déplorent) au regard des mobilisations féministes passées, et souvent oubliées. Elle désapprouve notamment la cristallisation des médias sur les querelles qui divisent le mouvement féministe et fait l’éloge de la richesse des travaux américains qui ont pu nourrir, par leur importation, la recherche française.
L’occupation de l’espace, des différents lieux où s’organise le monde social, ne relève pas d’une même assignation pour les hommes et les femmes. Edith Maruéjouls explique dans cet article comment cette division spatiale genrée se construit dès l’école, dans la cour de récréation. L’occupation inégalitaire des espaces de jeux participe ainsi à renforcer les stéréotypes genrés entre filles et garçons, la hiérarchie des valeurs entre féminin et masculin, et les violences sexistes qui en découlent. Une réhabilitation des filles dans les espaces occupés majoritairement par les garçons, un partage plus égalitaire dans les jeux, davantage de mixité et d’interactions permettraient d’améliorer les relations entre eux et de prévenir harcèlement, insulte ou agression sexuelle.
La réussite scolaire des filles ne produit pas davantage d’égalité dans la société. Dans cet article, Annie Léchenet discute de la nécessité d’une formation des personnels de l’éducation à l’égalité filles-garçons. Sans en avoir véritablement conscience, ceux-ci risquent de valider et de reproduire les stéréotypes de sexe de la société. Des formations sont dorénavant largement inscrites dans l’institution scolaire. De la recherche d’égalité dans la mixité à la prise en compte de la dimension genrée dans les pratiques éducatives, la réflexion sur les pratiques éducative s’est considérablement enrichie. Mais un consensus apparent ne résout pas certaines questions politiques cruciales, et le débat sur le sens de ces formations demeure nécessaire.
Un an de pandémie a retardé de 36 ans, soit plus d’une génération, le temps nécessaire pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes. Pourtant, le constat fait en avril 2021 par le Forum économique mondial n’est pas une fatalité. Pour la Fondation des femmes qui a publié en mars 2021 l’étude L’impact du Covid-19 sur l’emploi des femmes, il est possible d’inverser la tendance et même, de profiter de ce nouvel élan économique pour faire reculer les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail. À l’instar d’institutions, d’associations et d’économistes, la Fondation, par la voix de Margaux Collet, co-autrice de l’étude, plaide pour un plan de relance féministe.
Particulièrement féminisés, les emplois de service constituent un rouage crucial pour le fonctionnement de nos sociétés. Ils sont pourtant très largement dévalorisés, mal rémunérés et peu considérés. Rachel Silvera présente, à travers différents exemples de mobilisation collective récente, les revendications des travailleuses de ce secteur qui luttent pour la reconnaissance de leur activité professionnelle et l’amélioration de leurs conditions de travail. Certaines parviennent ainsi à obtenir de substantielles avancées.