Pour les thuriféraires de la démocratie réalisée par l’économie de marché, la consommation relève du plein exercice citoyen de la participation politique. Depuis les années 1970, elle fait également l’objet d’un investissement militant visant à protester contre les pratiques jugées néfastes de certaines entreprises. Diverses formes d’engagement pour et par une consommation responsable et éthique contribuent ainsi à politiser cet enjeu. Dans cet article, Philip Balsiger en présente les différentes aspects, historiques et stratégiques, tout en questionnant les limites de ce militantisme moral qui permet à la petite-bourgeoisie et à la bourgeoisie culturelles portant ces revendications de se démarquer des autres classes sociales.
Inventée par un agent immobilier américain comme solution à la Grande Dépression, pour lutter contre le chômage de masse en renforçant l’activité des entreprises, la notion d’obsolescence programmée pose la question de la soutenabilité d’une politique économique de consommation et de production intensives qui engendre une démultiplication des déchets. Du raccommodage au gaspillage, le rapport aux objets – notamment à leur durée d’usage – s’est modifié à mesure que se généralisait l’accès aux biens de consommation, produits en quantité exponentielle. Julie Madon traite ici du problème de l’obsolescence des objets en l’insérant dans une histoire plus large de la consommation.
Le modèle économique dominant de l’industrie de l’habillement, la fast-fashion, repose sur le renouvellement constant des vêtements à bas prix, offrant au consommateur une diversité permanente de produits périssables et à quelques multinationales des profits conséquents. Représentante du Collectif Ethique sur l’étiquette, Nayla Ajaltouni met en exergue dans cet article les conditions délétères qui rendent possible ce pouvoir d’achat, soutenu par les pouvoirs publics : exploitation méthodique et à grande échelle de travailleurs pauvres, émission massive de gaz à effet de serre, pollution des cours d’eau, etc. Au leurre des « consommateurs responsables » doivent se substituer des citoyens mobilisés pour confronter les entreprises aux responsabilités qui pèsent sur elles.
Mode de distribution économique privilégiant une relation directe entre producteur et consommateur par l’élimination des intermédiaires, les circuits courts alimentaires recouvrent différentes significations. Souvent associés à un projet politique altermondialiste, ils désignent plus prosaïquement une diversification des sources de revenus pour les agriculteurs ou la reterritorialisation de l’alimentation et la valorisation des produits locaux. Dans cet article, Yuna Chiffoleau et Grégori Akermann en présentent les différentes facettes, explorant ainsi les profils sociaux et les pratiques d’achat de leurs consommateurs.
L’entreprise de commerce en ligne américaine Amazon a-t-elle tué le réseau de distribution des librairies françaises en imposant sa logistique comme mode d’accès unique à la consommation de livres ? S’il est indéniable que l’expansion mondiale de ce qui fut à l’origine, en 1994, un projet de librairie sur internet a bouleversé l’économie du commerce de livres, Vincent Chabault nuance ce présupposé en interrogeant la fonction sociale des librairies comme espace de rencontres culturelles. Dans l’extrait qui suit, il discute ainsi les possibilités d’adaptation des libraires, obligés de réinventer leurs pratiques professionnelles.
Avec le déploiement en grande surface des caisses en libre-service depuis une vingtaine d’année, le transfert du travail des caissières à l’acheteur participe du long processus de fabrique du consommateur qui accompagne la modification du mode de distribution des marchandises alimentaires. A la cliente du 19e siècle négociant avec l’épicier le choix des produits qu’il sélectionne dans ses étagères se substitue progressivement la figure de la consommatrice s’approvisionnant directement et sans marchander dans les étalages standardisés des magasins en libre-service qui ouvrent progressivement après la Seconde Guerre mondiale. S’intéressant à l’histoire de la société d’alimentation à succursales Casino, Olivier Londeix explore dans cet extrait les enjeux du développement du commerce de détail à travers la transformation des interactions commerciales.
Âge d’or de l’acquisition d’équipement électroménager par les foyers, les Trente Glorieuses se caractérisent par une croissance économique forte et une situation de plein-emploi. C’est dans cette configuration que se développe une offre de crédit réglementée, nécessaire à l’appropriation de biens alors onéreux. Sabine Effosse revient dans ce texte sur la structuration, après la Seconde Guerre mondiale, du marché du crédit à la consommation français, initiée par des coalitions d’industries soucieuses de vendre leurs marchandises, soutenue par des établissements financiers et légitimée par des incitations politiques à la modernisation des biens d’équipements domestiques.