Entretien avec Baptiste Giraud autour de l’ouvrage collectif qu’il a co-dirigé avec Camille Signoretto, Un compromis salarial en crise. Que reste-t-il à négocier dans les entreprises? (Éditions du Croquant, 2023). Le choix politique de faire de la négociation d’entreprise le pilier de la promotion du “dialogue social” a subverti la logique même de la négociation collective. Pensée au départ comme un outil de renforcement des droits des salariés, celle-ci est de plus en plus appréhendée comme un outil au service de l’optimisation des stratégies de compétitivité des entreprises et donc comme un moyen d’accroître la flexibilité en adaptant les rémunérations et l’organisation du travail aux logiques du marché. Ainsi, le dialogue social sous pression néolibérale transforme le rôle des organisations syndicales et les piège dans leur capacité à négocier.
Comment se reconfigurent la négociation collective, ses usages et ses modalités d’appropriation ? Comment les types d’entreprises, de marchés, d’organisations du travail ou encore de mains-d’œuvre interfèrent sur les rapports de domination dans l’entreprise et sur la capacité des représentants du personnel à négocier des compromis plus ou moins avantageux pour les salariés? Quelles sont les capacités d’action des représentants du personnel non élus par rapport à ceux qui sont syndiqués? Quelles sont les modalités d’action mobilisées et mobilisables par les représentants syndicaux pour entrer dans des conditions favorables en négociation avec l’employeur? Comment accroître leurs capacités d’action, de mobilisation et de négociation?
Retour sur la nécessaire démystification des discours qui justifient et légitiment le dialogue social dans l’entreprise et sur l’indispensable réhabilitation des organisations syndicales dans le rôle positif qu’elles jouent pour défendre les intérêts individuels et collectifs des salariés.
Entretien réalisé par Louise Gaxie.
Baptiste Giraud est maître de Conférences en Science politique à Aix-Marseille Université. Ses domaines de recherche portent notamment sur la sociologie du syndicalisme, de l’action collective et des relations professionnelles. Il travaille actuellement sur les pratiques de dialogue social dans un contexte de changement institutionnel et socio-économiques et sur les élections présidentielles 2022 pour étudier les relations entre les modes de politisation et le travail.
Depuis vingt ans, la négociation d’entreprise est promue comme le nouveau levier de construction du compromis salarial. Avec les transformations du capitalisme, des règles de la négociation et l’affaiblissement des syndicats, le dialogue social en entreprise n’a pourtant sans doute jamais été aussi déséquilibré. De fait, en combinant analyse statistique et enquêtes de terrain, cet ouvrage donne à voir la manière dont les salariés et leurs représentants ont été partout mis sous pression dans leur capacité à négocier les conditions de leur engagement dans le travail. Il met cependant aussi évidence comment varient en fonction des contextes d’entreprise et de la présence syndicale, les formes de la domination patronale, de la représentation du personnel et la nature des compromis qui y sont négociés. En analysant la crise du compromis salarial, cet ouvrage s’attache en particulier à penser ensemble les métamorphoses du syndicalisme, du capitalisme et de ses modes de régulation.
Directeur de publication: Florian Gulli
Réalisation: Victor Dezeuze et Martin Jamet
Conception graphique et animation: PabloKa
Musique: Simon Benesh
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