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La participation associative et le bénévolat des retraités: état des lieux

La participation associative et le bénévolat des retraités: état des lieuxTemps de lecture : 6 minutes

S’appuyant sur les résultats d’une enquête qu’il a dirigée en 2017, Lionel Prouteau nous propose un panorama des pratiques associatives et bénévoles des retraités. De leurs secteurs de prédilection à leurs caractéristiques sociodémographiques et socioprofessionnelles, ces données nous donnent de riches informations sur le profil de ces retraités et sur leurs domaines d’intervention. Si le bénévolat ne leur est pas spécifique, ils sont les gros pourvoyeurs de dons de temps. Reste à ne pas instrumentaliser leur utilité sociale indéniable pour pallier le désengagement de l’État.
Alforville (Val-de-Marne), le 22 décembre 2015.

L’enquête réalisée en juin 2017 sous l’égide du Centre de recherche sur les associations (ci-après CRA) avec le concours de l’institut de sondage CSA fournit, sur le comportement bénévole contemporain, des informations riches permettant d’actualiser celles qu’avait apportées l’enquête conduite par l’Insee sur la vie associative en 2002[1]. Elle renseigne également sur les adhésions aux associations. C’est cette enquête qui est ici utilisée pour documenter la participation associative et le bénévolat des retraités[2]. Elle repose sur un échantillon de 5 039 individus représentatif de la population française métropolitaine de 18 ans et plus.

Loisirs et action sociale & caritative: des domaines de prédilection

Un retraité sur deux déclare être adhérent à une association tandis qu’ils sont 42 % à déclarer avoir réalisé des activités bénévoles au cours de l’année précédant l’enquête CRA-CSA. Dans le premier cas, l’adhésion des retraités à des associations est légèrement supérieure à celle du reste de la population (47,4 %). Dans le second cas, c’est l’inverse (43,7 %). Mais, en tout état de cause, ces différences ne sont pas statistiquement significatives. En revanche, les retraités sont plus nombreux à avoir plusieurs engagements : les adhésions dans plusieurs associations concernent 41 % des retraités et 33 % des actifs ; la part des pluriparticipants chez les bénévoles est respectivement de 39 % et de 30 %. Notons que la très grande majorité du bénévolat des retraités est associatif : 95 % de leurs participations se déroulent dans des associations ce qui est un peu plus que pour le reste de la population. Mais faire du bénévolat dans une association ne signifie pas nécessairement être adhérent : 19 % des participations bénévoles des retraités en associations sont effectuées par des non-adhérents. Cette proportion est toutefois plus faible que pour le reste de la population où elle est du quart.

Les types d’associations qui ont leur préférence sont par ordre décroissant celles orientées vers les loisirs (24 % des adhésions), vers l’action sociale et caritative ainsi que vers la défense de droits, de causes et d’intérêts (21 % dans les deux derniers types). Cette répartition diffère de celle des actifs pour qui les associations de défense de droits, de causes et d’intérêts représentent 26 % des adhésions devant les associations sportives (23 %), lesquelles précèdent nettement l’action sociale et caritative (14 %) et les loisirs (11 %). Quant à leur participation bénévole, les retraités s’investissent pour un quart dans le secteur de l’action sociale et caritative avant les loisirs et la défense de droits, de causes et d’intérêts. À eux trois, ces secteurs mobilisent plus des deux tiers des engagements bénévoles de cette catégorie de la population.

S’agissant des profils sociodémographiques, on observe un certain nombre de similitudes entre les adhérents aux associations et les bénévoles. À partir de 80 ans, le taux d’adhésion et la pratique bénévole chutent nettement[3]. Comme pour les taux de participation au bénévolat, il n’y a pas chez les retraités d’écart entre les taux d’adhésion des deux sexes, à la différence des actifs où le taux d’adhésion féminine est inférieur à celui des hommes.

Toutefois, les secteurs d’activité qui ont leurs préférences varient quelque peu : l’action sociale et caritative vient en tête chez les femmes retraitées tandis que c’est la défense de droits, de causes et d’intérêts chez les hommes, ainsi que les loisirs en ce qui concerne la participation bénévole. La propension à adhérer ou être bénévole croît avec le niveau de diplôme. S’agissant des catégories socioprofessionnelles qui étaient les leurs au cours de leur activité professionnelle antérieure, ce sont les retraités cadres et professions intermédiaires qui ont les taux d’adhésion les plus élevés. Quant au bénévolat, environ un tiers des retraités dont le diplôme n’atteint pas le baccalauréat s’y investissent, ils sont près de 6 sur 10 quand ils ont le baccalauréat et près de 7 sur 10 quand ils ont un diplôme de l’enseignement supérieur.

Une pratique religieuse régulière et le fait d’être propriétaire de son logement sont également des caractéristiques associées à des propensions plus importantes à être bénévole ou à adhérer à des associations.

Une tradition intergénérationnelle d’engagement

Deux autres constats méritent d’être soulignés. Le premier est relatif à l’ancrage de la fréquentation des associations ou du bénévolat dans une tradition intergénérationnelle d’engagement. L’enquête demandait en effet aux répondants si, lorsqu’ils étaient adolescents, l’un au moins de leurs parents pratiquait des activités bénévoles. Le taux d’adhésion des retraités est de 45 % en cas de réponse négative, mais de 69 % lorsqu’elle est positive. Le second constat concerne la relation entre l’adhésion et le recours à Internet et aux réseaux sociaux. Le questionnaire de l’enquête suggérait plusieurs usages possibles de ces outils numériques : s’informer sur des questions de société ou politiques, communiquer son opinion, signer une pétition, participer à des campagnes de dons en ligne ou coproduire des contenus en ligne. Près des deux tiers des retraités ayant indiqué l’un au moins de ces usages sont adhérents à une association quand tel est seulement le cas de 41 % chez ceux qui n’en ont indiqué aucun.

Le questionnaire demandait aux adhérents s’ils exerçaient des responsabilités au sein de leurs associations. À ce titre, étaient particulièrement citées les fonctions de président, de membre du bureau ou du conseil d’administration sans que d’autres fonctions soient exclues pour autant. Il apparaît que les retraités sont surreprésentés parmi les dirigeants associatifs et plus particulièrement parmi les titulaires des présidences. Tandis qu’ils représentent 29 % de l’ensemble des adhérents, ils comptent pour 33 % de l’ensemble des dirigeants et pour 48 % des présidents. Au sein de ces retraités dirigeants associatifs, les hommes sont nettement majoritaires (53 % et même 69 % pour les présidents) comme le sont les anciens cadres et professions intermédiaires (55 % pour l’ensemble des dirigeants et 70 % pour les présidents).

Une importante contribution bénévole des retraités

Considérant le temps annuel donné au titre du bénévolat, l’exploitation de l’enquête a donné lieu à des estimations sous forme de fourchettes avec une variante basse et une variante haute. Il apparaît que les retraités sont de gros apporteurs de ressources bénévoles puisque la moyenne annuelle de leur don de temps est de 139 à 153 heures tandis que pour les autres bénévoles cette moyenne est de 86 à 95 heures. De surcroît, les participations régulières sont majoritaires (56 %) chez les retraités tandis qu’elles sont minoritaires chez les actifs qui recourent davantage à un bénévolat occasionnel (46 %).

Dès lors il n’est pas étonnant d’observer que la part de leur contribution dans le volume total annuel de bénévolat, qui est de 38 % et qui représente de 500 000 à 550 000 emplois en équivalent temps plein, est nettement supérieure à leur part parmi les bénévoles (27 %). L’importance de leur apport est accrue dans certains secteurs d’activité puisqu’elle est de 46 à 48 % dans les loisirs et de 47 % dans l’action sociale et caritative.

Une utilité sociale indéniable

On voit donc que si, selon la terminologie du Bureau international du travail et de l’Insee, les retraités sont des inactifs, ils n’en contribuent pas moins à la réalisation d’activités à caractère productif qui présentent une utilité sociale indéniable. Le bénévolat ne saurait néanmoins être instrumentalisé en étant considéré comme un moyen de pallier le désengagement de l’État ou des collectivités locales en matière de services publics, notamment sociaux. Il ne saurait davantage être enfermé dans une fonction réparatrice visant à soulager les maux de la société sans en interroger les racines. Ce serait occulter que, en tant qu’expression de la participation à une action collective le plus souvent dans le cadre d’associations, le bénévolat a une fonction d’innovation sociale qui le conduit à ouvrir de nouvelles voies dans la résolution de certains problèmes sociaux. Sa fonction tribunitienne ne doit pas être oubliée, laquelle s’exprime par sa capacité à défendre dans l’espace public des causes insuffisamment prises en compte ou à promouvoir des causes nouvelles. En cela le bénévolat est un ferment de la vie démocratique.

C’est dire que loin d’être considéré comme un substitut à l’action publique il doit bien au contraire être appréhendé dans un contexte de complémentarité entre la société civile et cette action publique. De plus, s’il contribue au bien-être de la collectivité, il œuvre également à celui des bénévoles eux-mêmes. S’agissant tout particulièrement des retraités, ce dernier aspect n’est pas à négliger même s’il dépasse les limites du présent article.

[1] Les résultats complets de l’enquête CRA-CSA 2017 sont disponibles sur les sites de la FONDA et de l’ADDES. Pour des résultats synthétiques de l’enquête Vie associative de l’Insee de 2002, on peut consulter : Michèle Fèbvre et Lara Muller, « Une personne sur deux est membre d’une association en 2002 », Insee première n° 920 (septembre 2003) et, des mêmes auteurs « La vie associative en 2002. 12 millions de bénévoles », Insee première n° 946 (février 2004). Cette même enquête de l’Insee a été utilisée pour étudier les comportements associatifs des seniors : Lionel Prouteau et François-Charles Wolff,  « La participation associative et le bénévolat des seniors », Retraite et société n° 50, pp. 157-189, 2007.

[2] Le bénévolat dont il est ici question est celui réalisé dans le cadre d’une organisation, qu’elle soit ou non associative. Ne sont donc pas considérés les services bénévoles que peuvent se rendre directement les individus appartenant à des ménages distincts.

[3] Le taux d’adhésion et le taux de participation au bénévolat sont respectivement le pourcentage d’adhérents et le pourcentage de bénévoles parmi une population considérée.

Pour citer cet article

Lionel Prouteau, « La participation associative et le bénévolat des retraités : état des lieux », Silomag, n° 9, juin 2019. URL : https://silogora.org/la-participation-associative-et-le-benevolat-des-retraites-etat-des-lieux/

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