consommation

Le mythe de la consommation responsable: une histoire d’enfants gâtés?

Tout changer pour que rien ne change. Ainsi en va-t-il du capitalisme verdâtre que certains s’évertuent à garantir plus « responsable ». Arrimées à un impératif de croissance économique, les pratiques de consommation éco-responsables comme facteur central de la transition écologique reposent sur la production et la diffusion d’une morale consumériste réformée. Fanny Parise montre qu’il s’agit d’une illusion éludant les enjeux politiques et environnementaux de la production et de la distribution des marchandises.

Dépenses énergétiques en Allemagne: des inégalités aggravées par la crise en 2022

La hausse drastique des prix de l’énergie en Europe est une des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Particulièrement dépendante de l’importation de gaz russe, l’Allemagne est désormais confrontée à un risque accru de précarité énergétique pour une part importante de sa population. En s’appuyant sur diverses études statistiques, Rachel Guyet met en lumière les apories des mesures d’aides financières prises par le gouvernement allemand pour soutenir les dépenses énergétiques des citoyens. L’autrice montre ainsi que ces mesures ne parviennent pas à réduire les inégalités sociales relatives à la consommation énergétique.

Militer pour mieux consommer

Pour les thuriféraires de la démocratie réalisée par l’économie de marché, la consommation relève du plein exercice citoyen de la participation politique. Depuis les années 1970, elle fait également l’objet d’un investissement militant visant à protester contre les pratiques jugées néfastes de certaines entreprises. Diverses formes d’engagement pour et par une consommation responsable et éthique contribuent ainsi à politiser cet enjeu. Dans cet article, Philip Balsiger en présente les différentes aspects, historiques et stratégiques, tout en questionnant les limites de ce militantisme moral qui permet à la petite-bourgeoisie et à la bourgeoisie culturelles portant ces revendications de se démarquer des autres classes sociales.

L’obsolescence programmée: une histoire de consommation

Inventée par un agent immobilier américain comme solution à la Grande Dépression, pour lutter contre le chômage de masse en renforçant l’activité des entreprises, la notion d’obsolescence programmée pose la question de la soutenabilité d’une politique économique de consommation et de production intensives qui engendre une démultiplication des déchets. Du raccommodage au gaspillage, le rapport aux objets – notamment à leur durée d’usage – s’est modifié à mesure que se généralisait l’accès aux biens de consommation, produits en quantité exponentielle. Julie Madon traite ici du problème de l’obsolescence des objets en l’insérant dans une histoire plus large de la consommation.

Sentir l’odeur des livres. La librairie contre Amazon

L’entreprise de commerce en ligne américaine Amazon a-t-elle tué le réseau de distribution des librairies françaises en imposant sa logistique comme mode d’accès unique à la consommation de livres ? S’il est indéniable que l’expansion mondiale de ce qui fut à l’origine, en 1994, un projet de librairie sur internet a bouleversé l’économie du commerce de livres, Vincent Chabault nuance ce présupposé en interrogeant la fonction sociale des librairies comme espace de rencontres culturelles. Dans l’extrait qui suit, il discute ainsi les possibilités d’adaptation des libraires, obligés de réinventer leurs pratiques professionnelles.

La production est aussi une consommation

Face à la crise environnementale qui menace les conditions d’existence de l’espèce humaine, on ne compte plus les appels tonitruants à la responsabilisation du citoyen-consommateur, sensibilisé aux marques se distinguant sur le marché comme éthiques et éco-responsables. Cette individualisation de la réponse politique, bien faite pour flatter la bonne conscience morale, oblitère le problème de la production et du contrôle de ses coûts sociaux et écologiques, qu’on a trop vite abandonné à la bonne volonté des entreprises en en appelant solennellement à leur « responsabilité sociétale ». Consommateurs et producteurs semblent ici n’être responsables que d’eux-mêmes. Cette représentation atomisée d’un problème collectif s’appuie pourtant sur une perspective économique biaisée et partielle. S’inscrivant en faux, Silo a exhumé un texte de Karl Marx dont la pertinence analytique n’a pas flétri. L’extrait proposé ci-dessous de l’Introduction à la critique de l’économie politique, écrite en 1857, montre ainsi que les actes de production, de consommation et de distribution s’appréhendent indissociablement dans un même processus économique.

La mesure de la consommation par l’État: la genèse du Crédoc

Créé au début des années 1950 afin d’élaborer des statistiques sur la consommation de la population, le Crédoc s’intègre dans le tissu des institutions d’État chargées de produire les connaissances nécessaires à l’orientation et à la mise en œuvre de la politique de planification économique d’après-guerre. En examinant sa genèse, Régis Boulat étudie comment se sont construits les outils pour mesurer la demande sur les marchés des biens de consommation, au regard de la structure de l’offre disponible. Prospectif autant que prescriptif, ce travail de quantification participe à définir les catégories légitimes de la consommation.

La mesure de l’inflation en période… d’inflation

Les batailles actuelles qui portent sur l’indexation des salaires par rapport à l’inflation ne sont pas nouvelles. La mesure de la hausse des prix constitue un enjeu crucial pour appuyer les revendications syndicales. De même, la revalorisation des minima sociaux dépendant de l’inflation, la question des indicateurs utilisés pour en mesurer la portée se pose inévitablement. Si l’indice des prix à la consommation demeure le principal outil d’appréciation de l’inflation, d’autres ont vu le jour, minimisant ou amplifiant le pourcentage de hausse calculé. En s’aventurant dans l’histoire des controverses qui ont façonné ces indicateurs, Florence Jany-Catrice montre dans cet article les enjeux politique qui sous-tendent leur définition, par-delà la neutralité trop souvent présumée et rabâchée, des instruments d’objectivation des faits économiques.

La consommation: un enjeu politique

Il n’aura pas fallu attendre la guerre en Ukraine et les répercussions indirectes dans le budget énergétique des ménages européens pour sentir à quel point notre consommation était prise dans l’entrelacs des interdépendances économiques internationales. La vision irénique de l’éden consumériste entretenue par les prosélytes de l’économie de marché et l’activité soutenue de l’industrie publicitaire s’est obscurcie au grès des crises successives contemporaines, financières, sanitaires, climatiques et militaires. La passe d’armes récente entre les États-Unis et la Chine relative à Taïwan qui concentre près de 60% de la production mondiale de semi-conducteurs – composant primordial pour l’industrie technologique, civile et militaire – témoigne du regain de tensions entre les États pour garantir leur puissance en assurant leur souveraineté économique. Tout autant que le libre-échangisme qui fait du prix à la consommation le critère principal d’évaluation d’un bien ou d’un service, le protectionnisme dépoussiéré qui sourd outre-Atlantique n’émane pas d’un ordre naturel mais d’un ordre politique institué où se (re)définissent les conditions de production et d’appropriation des biens.

L’impératif de la sobriété numérique

Le fonctionnement qui nous apparaît souvent mystérieux de l’informatique brasse son lot de représentations fantasmées et éthérées. Quoi de plus nébuleux que le « cloud computing » (informatique en nuage, en québécois) pour susciter une impression flottante d’apesanteur et de légèreté, à distance des mines d’extraction de silicium et des salles de serveurs lourdement climatisées ? Culpabilisés et mal-informés des conséquences d’une consommation de biens et de services numériques qu’ils n’ont pas toujours choisie, les citoyens n’en demeurent pas moins constamment incités à plus de consommation numérique. Fabrice Flipo réoriente notre regard en posant la question du gain réel de cette révolution industrielle. Les profits nouveaux que suscite une gestion plus efficiente des ressources alimentent une offre plus diversifiée de produits, donc de nouveaux besoins, entretenant ainsi une croissance économique néfaste pour la planète.