La (dé)politisation des stratégies de la grève

De la grève générale révolutionnaire à la grève d’entreprise défensive, le syndicalisme français a vu son rapport à la lutte et au politique profondément se transformer. Dans cet article, Baptiste Giraud revient sur la dépolitisation progressive des stratégies syndicales, conséquence des mutations du travail et des politiques patronales, de l’atomisation des collectifs de travail et de la grande précarité de la condition salariale. Celle-ci s’est aussi nourrie de l’autonomisation vis-à-vis des partis et de l’évolution du profil des militants.  Ces dynamiques redéfinissent l’usage de la grève et la capacité des syndicats à incarner une force de transformation sociale.

Quels effets de l’adhésion syndicale sur le vote? Focus sur les élections législatives de 2024

Alors que les relations entre syndicats et partis de gauche français se sont fortement distendues, l’adhésion syndicale est-elle pour autant devenue neutre politiquement ? Comme le montre en réalité à nouveau une enquête électorale réalisée eu moment des élections législatives de 2024, l’adhésion syndicale reste associée à une plus forte propension à participer aux élections et à voter à gauche. Les résultats de cette enquête, présentés par Tristan Haute dans cet article, témoignent cependant aussi de la pénétration du vote pour l’extrême droite et de son idéologie jusque dans les rangs syndicaux, soulignant l’urgence de repolitiser le sens de l’action syndicale.

Amiens, rue Rigollot, plaque commémorative de l'adoption de la charte d'Amiens, le 13 octobre 1906.jpg

À propos de la charte d’Amiens

Si, depuis la naissance du syndicalisme, la question des rapports de la CGT aux partis politiques est posée, le « congrès national du travail » qui se déroule à Amiens en 1906 s’impose comme un moment important pour préciser (ou repréciser) la nature de ces relations. La Charte d’Amiens qui en découle proclame la spécificité et l’autonomie du syndicalisme et de ses organisations par rapport aux partis politiques, à l’État et au patronat. David Chaurand nous rappelle les différentes positions en présence lors de ce Congrès et nous propose une brève histoire des entorses à cette charte face aux enjeux des époques et aux réalités évolutives.

Communisme et syndicalisme… et vice versa

Sur la longue durée, la question des relations entre communisme et syndicalisme renvoie en priorité à celles entre le PCF et la CGT et, pour les années 1922-1935, celles de la scission de l’entre-deux-guerres, avec la CGTU. Elle soulève des problématiques qui traversent le XXe siècle. Dans cet article, Stéphane Sirot dépasse les notions de courroie de transmission et de subordination qui masquent les multiples dimensions de ces relations pour mettre en évidence l’écosystème existant et mouvant entre PCF-CGTU-CGT. 

Du côté des syndicats ; d’un programme à l’autre

Malgré la loi de 1884, attentive à limiter son périmètre d’intervention, le syndicalisme hexagonal n’a cessé de nourrir des ambitions émancipatrices. Cette perspective éclaire l’histoire de ses pratiques et stratégies, leur confrontation aux institutions et aux partis, à commencer par ceux qui se réclamaient de la classe ouvrière. Jaloux de son autonomie, le syndicalisme a ainsi expérimenté de multiples modalités d’engagement politique. À travers la question des programmes, Michel Pigenet propose une relecture des relations entre syndicats et partis.

L’arme syndicale de la lutte politique. Le cas communiste

À rebours d’une tradition française d’indépendance syndicale, l’émergence du mouvement communiste en France, au sortir de la Première Guerre mondiale, remet en cause la division du travail militant entre parti et syndicat. L’objectif est de diffuser une culture syndicale dans les rangs du parti et de promouvoir des dirigeants ouvriers. Julian Mischi revient sur cette histoire riche de leçons sur l’intérêt et la difficulté à articuler engagement syndical et combat politique. Face à une gauche qui peine à mobiliser l’électorat populaire, ce défi est toujours d’actualité.

Syndicalisme et apolitisme

Le syndicalisme dispose-t-il de la possibilité de se tenir à l’écart de la lutte pour le pouvoir ? Sous peine de se désarmer et de se rendre impuissant, il est placé devant l’obligation d’intervenir en évaluant ce que le pouvoir accomplit et en formulant des propositions. Ainsi, si l’« apolitisme syndical » revient de manière récurrente, une approche critique de l’histoire incline à le considérer comme un leurre. René Mouriaux aborde la question « sensible » des rapports du syndicalisme avec les titulaires du pouvoir d’État, en particulier avec les partis politiques et s’interroge sur les principaux facteurs de l’apolitisme syndical en France ainsi que sur sa spécificité par rapport à ses voisins européens et au syndicalisme états-unien.

«Les forces politiques doivent intégrer les exigences du monde du travail»

Caroline Chevé, secrétaire générale de la FSU, rappelle que syndicats et partis politiques n’ont ni les mêmes fonctions ni la même temporalité et que le syndicalisme ne doit pas être la courroie de transmission d’un projet politique élaboré en dehors du monde du travail, mais un espace d’élaboration collective par et pour les salarié·es. Elle défend un syndicalisme de transformation sociale, féministe et engagé dans la lutte contre l’extrême droite. Elle énumère un certain nombre de revendications syndicales qui devraient être prises en compte dans le cadre d’une alliance des partis politiques progressistes, de type « front populaire ». 

«L’avenir est dans le lien, dans le respect de chacun, entre politique, syndicat et mouvement social et associatif»

Face au capitalisme destructeur et à la crise démocratique, Fabien Roussel plaide pour une coopération entre syndicats et partis politiques, sans subordination ni cloisonnement, qui invente des passerelles durables, respectueuses de l’indépendance de chacun. L’enjeu est de construire un rassemblement fondé sur une conscience de classe déjouant les tentatives de division permettant de régénérer la démocratie sociale à partir des citoyens, des territoires et du monde du travail. Ceci dans l’objectif de contraindre les entreprises à prioriser l’intérêt des travailleurs et de la nation.

«Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales»

Partis et syndicats ont un horizon commun, celui de la reconquête du pouvoir, dans les entreprises, dans l’État, dans la cité, pour une transformation démocratique, sociale et écologique. Pour Aurélie Trouvé, cela demande un travail constant respectueux de l’indépendance de chacun et à l’écoute des autres formes de lutte contre les rapports de domination du capitalisme qui ne résument plus au conflit capital travail. Ces convergences entre mouvement social et politique permettront à une gauche de rupture d’accéder au pouvoir.