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Une dynamique d’émancipation

Une dynamique d’émancipationTemps de lecture : 4 minutes

Ce Silomag est consacré à la montée en puissance des mobilisations féministes qui traduit un profond bouleversement des rapports sociaux marqués par les inégalités de genre, et une dynamique d’émancipation qui semble irréversible. Il veut s’appuyer sur les luttes existantes et leurs thématiques.

Des dimensions nouvelles et concrètes

Il aborde, bien évidemment, les luttes qui structurent l’action féministe depuis des décennies à l’exemple des mobilisations qui concernent l’égalité salariale, les discriminations systémiques dans le travail, l’égalité politique et médiatique ou encore, et plus largement, l’égalité dans les lieux de pouvoir. La conscience accrue des inégalités de prise de parole entre les hommes et les femmes ou l’irruption dans le débat public du concept de « charge mentale » apportent des dimensions nouvelles et concrètes à ces combats.

Ce dossier traite également des luttes qui sont apparues avec force dans la dernière période. Celles-ci concernent notamment la déconstruction des représentations genrées qui séparent, classifient et hiérarchisent dès la petite enfance et structurent l’organisation sociale, de l’école au travail en passant par la famille ou l’espace public. Elles génèrent des stéréotypes et figent des identités qui sont intériorisés et constituent autant d’entraves au libre épanouissement de chacun, femme ou homme.

Les luttes contre les violences patriarcales et la multiplication des combats visant à ce que les femmes puissent se réapproprier leur corps marquent également la période actuelle. Prolongeant les combats fondateurs pour le droit à la contraception et à l’avortement, ces exigences liées au « tournant génital » des luttes et des revendications féministes ont pour objet de lever les multiples tabous qui concernent les femmes dans leur dimension les plus intimes et révèlent les impensés qui structurent les relations ancestrales entre les hommes et les femmes.

La domination masculine est universelle

Ce numéro aborde aussi – même si ce n’est qu’une première approche qui méritera des prolongements ultérieurs – les débats en cours au sein des mouvements féministes. Intersectionnalité, universalisme, différentialisme, identitarisme ou encore décolonialisme, des analyses et des pratiques se confrontent. L’enjeu est de dépasser les désaccords et les enfermements parfois dogmatiques pour prendre en compte la diversité des luttes et des situations. Les positions économiques et sociales, le capital culturel, les systèmes politiques ou encore le poids des religions sont des déterminants incontestables qu’il faut analyser et combattre dans un même mouvement. Il n’en reste pas moins que la domination masculine est universelle et qu’elle doit être combattue en tant que telle.

Ainsi, une réalité apparait avec force, les luttes et les mobilisations féministes occupent désormais une place majeure dans le combat émancipateur. Elles marquent la réalité de manière incontournable.

Le mouvement me too par exemple a, en quelques mois, donné une visibilité majeure à des problématiques telles que le consentement, le viol, les violences quotidiennement subies, le harcèlement de rue… En libérant la parole, il a permis de montrer l’ampleur de ces réalités. Il conduit à des prises de conscience chez les femmes comme chez les hommes. Il a conforté la capacité de résister de millions de femmes. Cela dit, ces avancées ne signifient pas que les problèmes sont réglés. Les féminicides restent un fléau et l’inadaptation des réponses policières, judiciaires et sociales est toujours dénoncée. Plus généralement, la transformation nécessaire des mentalités et des comportements reste, à l’évidence, à accomplir.

L’anti féminisme est loin d’avoir disparu

Autre exemple, les mouvements anti-avortement sont toujours très actifs et de plus en plus agressifs. C’est le cas, clairement, aux Etats-Unis où ils sont l’un des fers de lance de la révolution ultra-réactionnaire portée par les courants néo conservateurs et par la vague obscurantiste charriée par le trumpisme. Ayons conscience que notre pays n’échappe pas à cette même vague. Le climat politique actuel, marqué par la montée de l’ultra-droite favorise ce type de régression comme en témoigne la vandalisation de plusieurs antennes du planning familial ces derniers mois.

Bref, l’anti féminisme est loin d’avoir disparu. Il sévit dans le champ médiatique où certains vont jusqu’à soutenir que la volonté d’émancipation des femmes serait l’une des causes du déclin de la France. Il fait des ravages, au quotidien, avec la persistance de la dévalorisation des professions féminisées. Il perdure dans nos représentations du monde et de la société du fait de l’ancrage de concepts et de règles implicites significatives des rapports de domination subis par les femmes. Dans un trop grand nombre de pays, c’est leur existence dans l’espace public qui est en jeu ; elle est même niée de manière violente et inhumaine en Afghanistan.

Des luttes consubstantielles au mouvement pour l’émancipation

Face à l’ampleur des enjeux, les objectifs de ce Silomag sont donc de contribuer à la réflexion sur les transformations majeures que ces luttes produisent. Ils sont aussi de montrer comment les féminismes, en s’efforçant de mettre en relation les différents types de domination, sont consubstantiels au mouvement pour l’émancipation de toutes et de tous et peuvent révolutionner nos sociétés.

Pour citer cet article

Louise Gaxie et Alain Obadia, «Une dynamique d’émancipation», Silomag, n°13, sept. 2021. URL: https://silogora.org/une-dynamique-demancipation/

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