Combattre les discriminations sans essentialiser les identités

Si la question de l’articulation entre les luttes émancipatrices est aujourd’hui majoritairement posée à partir de leur hiérarchisation, c’est, d’après Alain Policar, parce qu’elle postule qu’autour de chacune de ces luttes se constituent des groupes sociaux homogènes aux intérêts antagoniques à partir d’une seule dimension de notre existence sociale…

Comment la consommation contribue à fabriquer des groupes sociaux

La diversité des pratiques de consommation sont autant de signes distinctifs d’appartenance à des groupes sociaux. Ces luttes symboliques participent pleinement à la stratification sociale. Depuis l’ouvrage séminal de Thorstein Veblen, de nombreux travaux se sont saisis de cet enjeu. Dans cet article Hélène Ducourant présente l’état de la recherche en sociologie sur cet objet. Elle montre comment les goûts et les pratiques de consommation afférentes classent les individus en délimitant des frontières entre les groupes, et en les hiérarchisant.

Le mythe de la consommation responsable: une histoire d’enfants gâtés?

Tout changer pour que rien ne change. Ainsi en va-t-il du capitalisme verdâtre que certains s’évertuent à garantir plus « responsable ». Arrimées à un impératif de croissance économique, les pratiques de consommation éco-responsables comme facteur central de la transition écologique reposent sur la production et la diffusion d’une morale consumériste réformée. Fanny Parise montre qu’il s’agit d’une illusion éludant les enjeux politiques et environnementaux de la production et de la distribution des marchandises.

Le projet d’une société chinoise de consommation

De la nécessité au plaisir, le développement du marché intérieur de la Chine a permis à une partie de sa population d’améliorer ses conditions de vie. En réorientant vers les ménages la distribution des biens qu’il produit, l’« atelier du monde » a relancé la consommation du pays pour assurer sa croissance économique. Dans cet article, Gilles Guiheux examine le renversement de l’attitude du Parti communiste chinois à l’égard de la consommation dans la seconde partie du 20e siècle. Il montre ainsi comment à partir des années 1990, la consolidation de la classe moyenne participe d’un projet politique d’organisation de la paix sociale, laissant les classes populaires aux marges de cette félicité économique.

Dépenses énergétiques en Allemagne: des inégalités aggravées par la crise en 2022

La hausse drastique des prix de l’énergie en Europe est une des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Particulièrement dépendante de l’importation de gaz russe, l’Allemagne est désormais confrontée à un risque accru de précarité énergétique pour une part importante de sa population. En s’appuyant sur diverses études statistiques, Rachel Guyet met en lumière les apories des mesures d’aides financières prises par le gouvernement allemand pour soutenir les dépenses énergétiques des citoyens. L’autrice montre ainsi que ces mesures ne parviennent pas à réduire les inégalités sociales relatives à la consommation énergétique.

Militer pour mieux consommer

Pour les thuriféraires de la démocratie réalisée par l’économie de marché, la consommation relève du plein exercice citoyen de la participation politique. Depuis les années 1970, elle fait également l’objet d’un investissement militant visant à protester contre les pratiques jugées néfastes de certaines entreprises. Diverses formes d’engagement pour et par une consommation responsable et éthique contribuent ainsi à politiser cet enjeu. Dans cet article, Philip Balsiger en présente les différentes aspects, historiques et stratégiques, tout en questionnant les limites de ce militantisme moral qui permet à la petite-bourgeoisie et à la bourgeoisie culturelles portant ces revendications de se démarquer des autres classes sociales.

L’obsolescence programmée: une histoire de consommation

Inventée par un agent immobilier américain comme solution à la Grande Dépression, pour lutter contre le chômage de masse en renforçant l’activité des entreprises, la notion d’obsolescence programmée pose la question de la soutenabilité d’une politique économique de consommation et de production intensives qui engendre une démultiplication des déchets. Du raccommodage au gaspillage, le rapport aux objets – notamment à leur durée d’usage – s’est modifié à mesure que se généralisait l’accès aux biens de consommation, produits en quantité exponentielle. Julie Madon traite ici du problème de l’obsolescence des objets en l’insérant dans une histoire plus large de la consommation.

Fast fashion: un modèle à bout de souffle?

Le modèle économique dominant de l’industrie de l’habillement, la fast-fashion, repose sur le renouvellement constant des vêtements à bas prix, offrant au consommateur une diversité permanente de produits périssables et à quelques multinationales des profits conséquents. Représentante du Collectif Ethique sur l’étiquette, Nayla Ajaltouni met en exergue dans cet article les conditions délétères qui rendent possible ce pouvoir d’achat, soutenu par les pouvoirs publics : exploitation méthodique et à grande échelle de travailleurs pauvres, émission massive de gaz à effet de serre, pollution des cours d’eau, etc. Au leurre des « consommateurs responsables » doivent se substituer des citoyens mobilisés pour confronter les entreprises aux responsabilités qui pèsent sur elles.

Les circuits courts alimentaires, un mode de consommation alternatif?

Mode de distribution économique privilégiant une relation directe entre producteur et consommateur par l’élimination des intermédiaires, les circuits courts alimentaires recouvrent différentes significations. Souvent associés à un projet politique altermondialiste, ils désignent plus prosaïquement une diversification des sources de revenus pour les agriculteurs ou la reterritorialisation de l’alimentation et la valorisation des produits locaux. Dans cet article, Yuna Chiffoleau et Grégori Akermann en présentent les différentes facettes, explorant ainsi les profils sociaux et les pratiques d’achat de leurs consommateurs.

Sentir l’odeur des livres. La librairie contre Amazon

L’entreprise de commerce en ligne américaine Amazon a-t-elle tué le réseau de distribution des librairies françaises en imposant sa logistique comme mode d’accès unique à la consommation de livres ? S’il est indéniable que l’expansion mondiale de ce qui fut à l’origine, en 1994, un projet de librairie sur internet a bouleversé l’économie du commerce de livres, Vincent Chabault nuance ce présupposé en interrogeant la fonction sociale des librairies comme espace de rencontres culturelles. Dans l’extrait qui suit, il discute ainsi les possibilités d’adaptation des libraires, obligés de réinventer leurs pratiques professionnelles.