La démocratie sociale entre crise du politique et nouveaux enjeux capitalistes

L’approfondissement de la crise démocratique dont témoigne la gestion de la réforme des retraites par les gouvernements successifs sourds aux revendications du mouvement social s’explique par la crise multiforme du politique, la fragilité de la démocratie sociale et l’affaiblissement du syndicalisme. Or, comme Guy Groux le démontre dans cet article, les mutations du capitalisme liées à la révolution numérique et à la transition écologique dont les effets sur le travail, l’emploi et l’entreprise sont massifs, posent de façon pressante l’enjeu de la revitalisation de la démocratie sociale et de ses agents les syndicats.

Entre luttes sociales et horizon anticolonial: la «politique des syndicats» en Guadeloupe et en Martinique

En Guadeloupe et en Martinique, les syndicats endossent une fonction politique de premier plan. Dans cet article, Pierre Odin explique comment ils sont à la croisée de plusieurs mondes : ceux du salariat, de la contestation politique, des luttes anticolonialistes et des revendications identitaires. Loin d’être une anomalie, cette configuration traduit une histoire spécifique, marquée par la colonisation, les luttes ouvrières et une quête d’émancipation toujours vivace dans un contexte où les hiérarchies sociales restent fortement racialisées.

«Être dans un syndicat, encore plus à la CGT, façonne politiquement»

Dans cet entretien, Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT, revient sur la spécificité du syndicat comme outil qui cherche à réunir les travailleurs sur leurs intérêts communs. Seul contre-pouvoir dans l’entreprise, le syndicat construit du collectif et des solidarités concrètes pour une société plus juste et devient l’un des derniers remparts progressistes contre la montée des idées d’extrême droite. Indépendante, la CGT n’en est pas neutre pour autant, comme elle a pu le montrer encore une fois en juin 2024 en soutenant un programme qui offrait des débouchés politiques aux luttes menées notamment contre la réforme des retraites.

«Les forces politiques doivent intégrer les exigences du monde du travail»

Caroline Chevé, secrétaire générale de la FSU, rappelle que syndicats et partis politiques n’ont ni les mêmes fonctions ni la même temporalité et que le syndicalisme ne doit pas être la courroie de transmission d’un projet politique élaboré en dehors du monde du travail, mais un espace d’élaboration collective par et pour les salarié·es. Elle défend un syndicalisme de transformation sociale, féministe et engagé dans la lutte contre l’extrême droite. Elle énumère un certain nombre de revendications syndicales qui devraient être prises en compte dans le cadre d’une alliance des partis politiques progressistes, de type « front populaire ». 

«Les syndicats doivent prendre en charge la dimension politique de leurs discours»

François Hommeril, président de la CFE-CGC réaffirme la nécessité de l’indépendance des syndicats vis-à-vis des partis politiques. Il dénonce la déconnexion ainsi que l’incompétence des responsables politiques et des élites économiques. Il considère le gouvernement comme son principal interlocuteur et demande à ce dernier de mettre en place les conditions du paritarisme, c’est-à-dire de l’équilibre des forces sociales entre représentants du patronat et représentants des salariés. Il invite à élever le niveau des débats pour défendre les conquis sociaux du programme du Conseil National de la Résistance.

«L’avenir est dans le lien, dans le respect de chacun, entre politique, syndicat et mouvement social et associatif»

Face au capitalisme destructeur et à la crise démocratique, Fabien Roussel plaide pour une coopération entre syndicats et partis politiques, sans subordination ni cloisonnement, qui invente des passerelles durables, respectueuses de l’indépendance de chacun. L’enjeu est de construire un rassemblement fondé sur une conscience de classe déjouant les tentatives de division permettant de régénérer la démocratie sociale à partir des citoyens, des territoires et du monde du travail. Ceci dans l’objectif de contraindre les entreprises à prioriser l’intérêt des travailleurs et de la nation.

«Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales»

Partis et syndicats ont un horizon commun, celui de la reconquête du pouvoir, dans les entreprises, dans l’État, dans la cité, pour une transformation démocratique, sociale et écologique. Pour Aurélie Trouvé, cela demande un travail constant respectueux de l’indépendance de chacun et à l’écoute des autres formes de lutte contre les rapports de domination du capitalisme qui ne résument plus au conflit capital travail. Ces convergences entre mouvement social et politique permettront à une gauche de rupture d’accéder au pouvoir. 

Des démarches complémentaires, des principes à respecter

Comment repenser l’articulation du rôle des partis et des syndicats dans la construction d’une alternative au capitalisme ? Selon Alain Obadia, il faut comprendre et respecter le rôle de chacun, afin d’envisager les relations syndicats/partis en termes de complémentarité. Les syndicats doivent obtenir des pouvoirs accrus au sein des entreprises, et les partis doivent s’engager en faveur du développement d’une véritable démocratie sociale.

Les rapports syndicats-partis politiques : du «dialogue constructif» à la nouvelle démocratie sociale

Selon Jean-Christophe Le Duigou, le syndicalisme ne doit pas s’affirmer, en lui-même, comme un contre-pouvoir, mais agir pour que les salariés s’emparent des pouvoirs dans le champ social et économique. Il revient dans cet article sur les enjeux du renouvellement du syndicalisme et aborde les liens à tisser avec les partis politiques ainsi que la future démocratie sociale à imaginer. 

Politiser l’entreprise: l’éternel enjeu de classe

Comment (re)politiser l’entreprise ? Dans cet article, Aymeric Seassau rappelle que le lieu de travail est un lieu décisif de pouvoir, de politisation et de lutte des classes. Selon lui, il faut mettre fin à l’abandon de l’entreprise par la gauche et prendre résolument le parti  du travail, afin d’engager la révolution des rapports de production.