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Sélection de textes pour penser l’évènement

Sélection de textes pour penser l’évènementTemps de lecture : 19 minutes

Nous vivons un évènement biologique, sanitaire, social, politique et sociétal majeur. Cet évènement exacerbe la crise systémique qui caractérise notre époque dans ses différentes manifestations qu’il s’agisse des crises sociale, économique, financière, politique, écologique, culturelle et idéologique.
Après avoir mis du temps à prendre acte de l’existence de cet évènement, nous sommes nombreux à chercher à le connaître et à le comprendre. Il est primordial de réfléchir aux questions qu’il pose, d’analyser ce qu’il nous révèle et d’en tirer les enseignements nécessaires.
C’est pourquoi Silo vous propose ce réservoir d’articles, notes, tribunes qui sont publiés dans cette période. N’hésitez pas à nous faire part de vos lectures instructives.

 

«Cette épidémie électrise la gauche»

Entretien avec Pierre Charbonnier réalisé par Joseph Confavreux, Mediapart, 16 mai 2020.

La pandémie met à l’épreuve notre contrôle du temps, notre rapport à l’avenir, et on est coincés entre un modernisme triomphaliste qui prétendait surmonter toutes les épreuves de façon définitive, et un nouveau naturalisme qui professe la loi du plus apte ou la sanction divine. Le premier est caduc, le second est criminel, donc que fait-on ?

Tout cela peut sembler très général et très conceptuel, mais les idées imprègnent très profondément les façons de gouverner, les choix collectifs qui sont faits. Une fenêtre est peut-être en train de s’ouvrir pour envisager l’avenir autrement, comme une relance des politiques de solidarité qui s’adosserait moins à un rapport productif à l’égard des territoires, des ressources, des milieux, mais il y a du boulot pour donner forme à cette idée.

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«Des virus, des humains, des savoirs, des épidémies: la construction sociale de quoi?»

Article de Jean-Paul Gaudillière, Frédéric Keck, Anne Rasmussen, Cahier de l’EHESS, 13 mai 2020.

Plutôt que de s’interroger sur la réalité des virus et des humains qui construisent des savoirs pour s’en protéger, il faut donc plutôt comparer des modes de savoir dans différentes régions du monde et demander : lequel est le plus à même de nous apprendre à mieux vivre avec les non-humains, c’est-à-dire avec les animaux dont les virus nous apprennent que nous avons perturbé leur écosystème ? C’est pourquoi, au binôme de la virologie et de l’épidémiologie qui conseille majoritairement nos gouvernants sur la conduite à tenir en situation de crise pandémique, il faut ajouter l’écologie, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, l’économie, la philosophie qui nous permettront de repenser le défi social que nous adresse le Covid-19 : comment voulez-vous recomposer vos collectifs?

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«Comment ce pays si riche…»

Appel de Vincent Lindon, Mediapart, 6 mai 2020.

L’État ne pouvant pas tout, il me paraît impératif d’innover. Comment ? En demandant aux plus grosses fortunes une solidarité envers les plus démunis. Cette idée, juste et légitime, pourrait prendre la forme d’une contribution exceptionnelle, baptisée « Jean Valjean », conçue comme une forme d’assistance à personnes en danger, financée par les patrimoines français de plus de 10 millions d’euros, sans acrobaties, à travers une taxe progressive de 1 % à 5 %, avec une franchise pour les premiers 10 millions d’euros.

À période exceptionnelle, contribution exceptionnelle. Même si j’applaudirais évidemment tout amendement visant à pérenniser cet effort de réduction des inégalités. Après tout, une fois peut devenir coutume.

D’après les économistes que j’ai pris soin de consulter, cette contribution devrait représenter environ 36 à 37 milliards d’euros, qui seront distribués aux quelque 21,4 millions de foyers trop pauvres pour être assujettis à l’impôt sur le revenu.

Compte tenu de l’urgence, l’État assurerait la trésorerie et abonderait marginalement la collecte, leur distribuant sans délai et sans prélèvement, la somme de 2 000 €, à charge pour lui de recouvrer ultérieurement le produit de la contribution « Jean Valjean ».

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«Le syndicalisme, la retraite et les grèves»

Article de Karel Yon, Contretemps, 4 mai 2020.

C’est aussi pour cette raison qu’il est essentiel de réfléchir à des formes de convergence durable entre le syndicalisme et des mouvements tels que les Gilets jaunes. Ce qui implique avant tout que le syndicalisme se donne les moyens d’étendre son périmètre de représentation à toutes ces fractions du monde du travail qu’il ne représente pas actuellement. L’enjeu est de reconstruire un intérêt de classe commun, pour éviter que le pouvoir puisse jouer l’intérêt des un·es contre celui des autres et afin de faire sauter ce verrou structurel qui fait que la redistribution ne s’opère plus entre le capital et le travail mais au sein-même de la classe laborieuse.

Cet enjeu sera d’autant plus important au sortir de la pandémie du coronavirus. Beaucoup croient aujourd’hui que la crise sanitaire a enfin démontré la nocivité des thèses néolibérales. Mais le problème est que le néolibéralisme n’est pas une option que les gouvernants décideraient de choisir, c’est une rationalité de gouvernement qui structure leurs décisions en délimitant la gamme des options possibles. Sans affrontement social et politique pour imposer une rationalité alternative, les remèdes qui nous seront proposés risquent de ne faire qu’aggraver le mal.

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«La monnaie et les économistes: je t’aime moi non plus!»

Article de Jézabel Couppey-Soubeyran et Jean-François PonsotThe Conversation, 3 mai 2020.

La crise sanitaire que nous vivons actuellement fait également surgir d’épineuses questions monétaires qui s’entremêlent avec des questions budgétaires. Les dépenses publiques que les États doivent engager pour compenser des pertes et tenter de limiter la dépression qui s’annonce posent en effet la question du mode de financement à privilégier. Comment les banques centrales doivent-elles agir face à cette crise ? Comment doivent-elles financer les États ? Doivent-elles simplement faciliter leur financement par des achats de titres sur les marchés de la dette, comme elles le font avec leur programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) ? […]

La monétisation, entendue au sens d’un transfert direct de monnaie centrale aux États sans contrepartie fait également partie des options de financement pour orienter la monnaie de la banque centrale vers la transition écologique (monnaie écologique), à côté d’autres propositions, de dettes perpétuelles, d’annulations de dettes publiques conditionnelles à des investissements verts, etc. qui permettraient d’accélérer la transition écologique.

La monnaie centrale pourrait aussi être directement transférée aux ménages et aux entreprises, pour venir directement augmenter la dépense globale sans se heurter aux problèmes de transmission que rencontre la politique monétaire lorsqu’elle passe par les canaux bancaires et financiers. Faire décoller des hélicoptères et des drones monétaires, ou rendre la monnaie « positive », fait partie des débats académiques suscités par la crise sanitaire, même si ces propositions pénètrent difficilement l’univers très feutré des banques centrales.

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«État d’urgence sanitaire et État de droit»

Entretien avec Paul Cassia, Lundimatin, #239, 20 avril 2020.

Le principal danger de l’état d’urgence sanitaire pour les libertés publiques est d’ordre philosophique : il serait de penser que la solution aux risques de toute nature (attentats, catastrophe sanitaire…) est de type quasi-répressif, ou en tout cas relève de la police administrative, alors qu’elle relève essentiellement du terrain politique. […]

Nous ne devons pas accepter cela, car en réalité, non seulement l’imagination sécuritaire est sans fin, non seulement il ne peut être souhaitable ni même réaliste, de vouloir vivre dans une société à risque zéro, mais surtout, ces mesures coercitives interviennent trop tard et manquent leur cible. Elles empêchent de nous focaliser sur les racines du mal, alors qu’il faut traiter non pas seulement les conséquences de la pandémie, mais essentiellement revenir à ses causes.

Celles-ci ne sont pas de nature sécuritaire ; elles tiennent aux politiques publiques suivies quinquennat après quinquennat, dont les effets sont hélas accentués par l’addition de nos millions de comportements individuels qui ne prennent pas au sérieux l’état dans lequel nous avons mis notre planète.

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«L’humanité a toujours vécu avec les virus»

Entretien d’Anne Rasmussen par Louise Mussat, CNRS, Le Journal, 17 avril 2020.

Après l’éradication de maladies très anciennes, nous faisons face à de nouvelles maladies. Sont-elles liées à l’accroissement rapide de la population mondiale des dernières décennies ?
A. R. : C’est vrai que le SARS-CoV-2, apparu fin décembre 2019 en Chine, succède au MERS-CoV, apparu en Arabie saoudite en 2012, qui lui-même succédait au SARS-CoV-1 dont les premiers cas ont été enregistrés en Chine en novembre 2002. Auparavant Ebola, parti d’Afrique, avait terrifié le monde. Je ne sais pas si ces nouveaux virus ont un lien avec l’accroissement de notre population. Peut-être sont-ils en rapport avec nos modes de vie. Certains par exemple mettent en cause le bouleversement des écosystèmes, comme la déforestation, qui, en privant des animaux sauvages de leur habitat naturel, les aurait rapprochés des êtres humains, ce qui aurait facilité les sauts de virus interespèces. C’est tout à fait possible. Mais je pense aussi que nous sommes surpris quand une maladie virale survient car, encore une fois, nous avons vraiment cru en venir à bout à la fin des années 1970. Notre confiance d’alors explique peut-être notre stupéfaction d’aujourd’hui. Mais les virus sont très nombreux (il en existerait un quintillion, c’est-à-dire 1 suivi de 31 zéros, à la surface du globe, Ndlr) qui interagissent et interagiront toujours avec les humains.

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«Les lois du marché sont politiques»

Tribune de Mickaël Lavaine, Libération, 15 avril 2020.

Le marché est en effet une institution politique juridiquement construite qui se soustrait d’autant plus facilement à la démocratie qu’on le prétend régi par des lois qui lui seraient propres. Mais les lois du marché sont politiques et doivent être traitées comme telles dans des sociétés démocratiques. Périmètres temporel et matériel du droit de propriété, lieux de production, condition de travail, structure même du marché, rôle des services publics, garantie de la monnaie, rien n’y échappe par nature. Ce que révèle cette pandémie, ce n’est pas qu’il faut placer certains biens en dehors des lois du marché, mais plutôt qu’il ne faut plus placer «les lois du marché» en dehors du débat démocratique sous couvert de naturalité économique.

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«L’OMS dans le maelstrom du covid-19»

Entretien avec Auriane Guilbaud par Marieke Louis, La vie des idées, 13 avril 2020.

La pandémie de Covid-19 rappelle que les organisations internationales remplissent deux grandes fonctions : de coordination et de catalyseur de solidarité. La coordination incombe d’abord à l’OMS, c’est son rôle en cas d’épidémie comme nous l’avons vu. Le fait que l’OMS soit pour l’instant l’organisation internationale au centre du jeu est toutefois remarquable, car depuis le début du XXIe siècle, le champ de la santé mondiale est fragmenté entre de très nombreuses organisations qui viennent la concurrencer (fondations philanthropiques comme la fondation Gates, fonds verticaux comme le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, partenariats public-privé comme le GAVI, etc.).

Néanmoins l’OMS ressemble en ce moment à un chef d’orchestre que ses musiciens ne suivraient pas : les États mettent en œuvre leurs propres mesures en ordre dispersé et les jeux de puissances prédominent. Pour lutter contre le Covid-19, il est essentiel de diffuser les bonnes pratiques, ce que fait l’OMS en analysant les réponses des pays au Covid-19 et diffusant des conseils d’intervention, mais aussi de mutualiser les ressources. Dans ce dernier domaine, les lacunes sont criantes. Pourtant, si la quasi-totalité des États n’étaient pas suffisamment préparés pour répondre à la pandémie, ils possèdent chacun des éléments de la réponse : tel État teste des traitements, tel possède des masques, tel des lits disponibles en réanimation, tel des réactifs pour les tests, tel une expérience de gestion d’une précédente épidémie, etc. Mais pour l’instant, l’OMS n’a pas l’autorité pour jouer un véritable rôle de coordinateur global – à voir si les États acceptent de lui donner davantage de moyens par la suite.

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«COVID-19 : fragments biopolitiques»

Article de Matthieu Potte-Bonnevile, mathieupottebonneville.fr, avril 2020.

À cet égard, l’épidémie de VIH-SIDA, dont Foucault lui-même fut la victime, hérita de la question qu’il avait posée : les malades y devinrent acteurs, militants, réformateurs sociaux jusqu’à s’engager activement dans la discussion sur les protocoles thérapeutiques ou les orientations de la recherche dans un dialogue tendu et fécond avec les institutions ou les laboratoires. Poser la question biopolitique aujourd’hui, ce serait se demander comment se configure à nouveaux frais cette confrontation, et quels en sont les sujets politiques : au registre de la guerre (qui invite à lire le moment au prisme de la souveraineté, et d’un corps social unanime sous l’autorité de son chef) s’opposent d’autres constructions possibles. […] Dans le même temps, la prise de parole des soignants longtemps ignorés et revendiquant d’avoir leur mot à dire sur l’état du système hospitalier ou les stratégies de dépistage est une raison, par temps d’épidémie, de ne pas désespérer de la vitalité démocratique. A dire le vrai, l’un des enjeux du moment pourrait d’ailleurs être formulé ainsi : dans quelle proportion l’autorité médicale va-t-elle se trouver enrôlée, de façon somme toute traditionnelle, dans la verticalité du gouvernement des corps, ou rejoindre au contraire les aspirations critiques d’une partie de la société avec laquelle elle partage au quotidien difficultés, aspirations et empêchements à agir ?

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«Annulation de la dette publique des pays africains pour leur permettre de faire face à la pandémie Covid-19»

Communiqué de presse du CADTM Afrique, 12 avril 2020.

La lutte contre la pandémie de COVID-19 crée un besoin urgent d’aider les pays pauvres qui sont particulièrement touchés par la pandémie. Donc, annuler l’ensemble des dettes extérieures des pays africains permettrait à ceux-ci de donner la priorité aux dépenses de santé, ainsi qu’à d’autres besoins immédiats dans cet environnement économique, caractérisé par de fortes baisses des revenus, des pertes de recettes et une augmentation des dépenses.

C’est pourquoi le CADTM Afrique, affirme que la voie sûre pour amorcer un modèle économique et social autocentré et basé sur la satisfaction des besoins des populations des pays du Sud passent de façon indispensable par l’annulation des dettes publiques. Un audit citoyen est aussi nécessaire pour identifier les parties illégitimes, odieuses et illégales et exiger leur répudiation. Dans la tourmente de la crise du coronavirus les populations doivent se mobiliser pour imposer à leurs gouvernements de décréter une décision unilatérale de suspension du paiement de la dette. Et pour appuyer leur acte souverain, ils peuvent recourir à plusieurs arguments dont l’état de nécessité, le changement fondamental de circonstance ou la force majeure.

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«N’avons-nous rien appris ? Les leçons du Vietnam face au Sras»

Témoignage de Pascale Brudon, Alternatives économiques, 4 avril 2020 (en libre accès sur gaucherepublicaine.org).

Le Sras a été vaincu, grâce essentiellement à une coopération internationale et une OMS qui a su assurer une direction forte mais politiquement neutre à l’échelle mondiale. On peut s’interroger sur le fait que de telles approches n’aient pas été et ne soient toujours pas mises en œuvre aujourd’hui. […]

Comme nous le constatons tous les jours, beaucoup de nos pays, France incluse, ont oublié le Sras. La frayeur passée, les gouvernements et les citoyens sont très vite passés à autre chose. Pour de multiples raisons : tensions internationales, puissance du marché et de l’idéologie néolibérale, destruction des services publics de santé et politiques d’austérité, manque d’ouverture à ce qui se passe ailleurs quand ça ne rentre pas dans nos schémas, méconnaissance des risques sanitaires par les gouvernements et les citoyens, affaiblissement du multilatéralisme et des agences spécialisées comme l’OMS…

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«Face à une crise économique inédite : le nécessaire engagement massif de l’État»

Article de Gaël Giraud, Revue Projet, 1er avril 2020. 

L’obstination des Rhéno-flamands à refuser toute mutualisation des dettes souveraines pourrait contribuer, au sortir de la crise, à une profonde remise en cause du projet européen : qui, aujourd’hui, fait mine de venir en aide aux Italiens ? Les Chinois9, les Russes et les Albanais. Disons-le, les 37 milliards d’euros (0,3% du PIB de la zone euro) prélevés sur le budget communautaire sont ridicules, comparés à l’effort budgétaire qu’il faut consentir pour éviter à l’économie européenne une dépression au moins aussi sévère que celle de 1929. Quelques calculs élémentaires suggèrent que ce sont au moins 10% du PIB européen qu’il faudrait injecter dans l’économie. Cela suppose, bien sûr, la mise en place d’un pilier politique au sein des institutions communautaires. Ce qui, depuis la création de la zone monétaire, fait défaut au projet européen10. L’absence de coordination soulève déjà une question : à quoi bon une Union si elle ne permet même pas de faire face à une telle pandémie ? Si les États se retrouvent seuls, une fois de plus, pour agir ?

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«Sauver le capitalisme ou changer d’économie?»

Tribune d’un collectif, Libération, 2 avril 2020.

La sauvegarde de l’économie productive de biens et de services passe par la reprise en mains des entreprises par les salarié·e·s et le pouvoir donné aux usagers de déterminer ce qu’il faut produire. Nous ne pouvons plus laisser les forces du marché déterminer les investissements et les citoyen·ne·s doivent pouvoir déterminer les grandes orientations de l’économie par un système financier socialisé géré par elles et eux, comme l’a été le régime général de sécurité sociale de 1947 à 1967. L’exercice commun d’une telle démocratie économique suppose que nos vies soient libérées de l’aléa de marchés sur lesquels nous n’avons guère de prise. Alors que notre humanité est aujourd’hui à un tournant qui lui permet de sauver son existence, une partie de la gauche et de l’écologie politique reste silencieuse sur cette opportunité qui porte en elle ses aspirations : la sauvegarde de l’environnement et la disparition de l’exploitation du travail et de l’aliénation marchande.

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« Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie…»

Lettre ouverte au Président de la République d’Annie Ernaux, 30 mars 2020.

Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps   pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent  déjà  sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde  dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde  où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité.

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«La concurrence entre Etats sur l’achat de matériel médical et sanitaire aggrave le problème»

Tribune de Laurence Folliot Lalliot, Le Monde, 30 mars 2020.

Plus question d’appels d’offres transparents, les délais en sont trop lents, les procédures trop rigides. Partout sur la planète, l’heure est à la négociation directe, aux marchés de gré à gré, instruments utiles dans les situations d’urgence sanitaire, mais qui s’accompagnent souvent d’un cortège prévisible de favoritisme, malversations, et surfacturations, porteurs de futurs contentieux.

Ce constat a été dressé lors d’un colloque en ligne, « Public Contracts and the Covid-19 Coronavirus », qui a réuni le 23 mars des spécialistes de la commande publique de plusieurs pays, sous la houlette des professeurs Christopher R. Yukins (George Washington University) et Gabriella Racca (université de Turin). Les participants ont décrit une véritable course aux lots de matériels hospitaliers et sanitaires, notamment à travers des sites d’enchères en ligne sur lesquels les centrales d’achats mais aussi les grands acheteurs publics se positionnent, prêts à bondir sur les offres postées par les entreprises.

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«Covid-19 : des inégalités multipliées»

Tribune du collectif “Pas sans nous”, Blog de la Coordination nationale Pas sans Nous, 22 mars 2020.

Au-delà de l’engagement sans faille de tous les soignants, médecins, urgentistes, infirmières et de tous ceux qui permettent les soins, ce sont les classes populaires qui font les premières les frais de cette crise sanitaire et politique : SDF, migrants, Roms, et tous ceux qui sont appelés à continuer à travailler pour faire tourner l’économie : caissières des grands magasins, éboueurs, femmes et hommes de ménage, aides-soignant.e.s, aides à domicile, livreurs… Toute une main d’œuvre précaire et à bas salaire à qui aucune protection sanitaire n’a été accordée, inquiète d’être à son tour contaminée et de contaminer son entourage.

Ce sont également les classes populaires qui seront les premières touchées par la précarité engendrée par le chômage partiel et les licenciements autorisés pendant la crise.

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«L’épreuve politique de la pandémie»

Article de Pierre Dardot et Christian Laval, Le blog des invités de Mediapart, 19 mars 2020.

Deux choses sont désormais apparues à des millions d’hommes. D’une part, la place des services publics comme institutions du commun capables de mettre en œuvre la solidarité vitale entre humains. D’autre part, le besoin politique le plus urgent de l’humanité, l’institution des communs mondiaux. Puisque les risques majeurs sont globaux, l’entraide doit être mondiale, les politiques doivent être coordonnées, les moyens et les connaissances doivent être partagées, la coopération doit être la règle absolue. Santé, climat, économie, éducation, culture ne doivent plus être considérées comme des propriétés privées ou des biens d’État : ils doivent être considérés comme des communs mondiaux et être institués politiquement comme tels. Une chose est désormais sûre : le salut ne viendra pas d’en haut. Seules des insurrections, des soulèvements et des coalitions transnationales de citoyens peuvent l’imposer aux Etats et au capital.

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«La pandémie du capitalisme, le coronavirus et la crise économique»

Article d’Eric Toussaint, Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), 18 mars 2020.

Les grands marchés boursiers sont dominés par une centaine de grands groupes privés, leurs actionnaires font partie du 1 %, voire même du 0,1 %. Ces grands groupes privés jouent un rôle dans le déclenchement de la crise boursière et son extension. Parmi eux on trouve une trentaine de grandes banques, une dizaine de grands fonds d’investissements – parmi lesquels BlackRock, Vanguard, State Street et Pimco jouent un rôle clé-, il faut y ajouter les GAAF – Google, Apple, Amazon, Facebook -, de grands conglomérats industriels, une petite dizaine de grandes sociétés pétrolières, quelques grands fonds de pension

Cette poignée de grands capitalistes et les États-majors de leurs entreprises sont fortement interconnectés car il y a systématiquement des participations croisées […].

L’important pour un grand actionnaire est de vendre quand le prix n’a pas encore trop baissé, donc de vendre un maximum le plus vite possible, ils utilisent d’ailleurs des logiciels programmés pour vendre des actions dès qu’un mouvement de vente atteint un certain pallier, d’où des journées avec des chutes considérables suivies le lendemain de remontée car ceux qui ont vendu la veille au début de la chute peuvent se dire que cela vaut le coup de racheter des actions à un prix inférieur de 5 ou de 10 %, voire de 20 %, que le prix auquel ils les ont vendues en début de séance la veille.

Cela explique la succession de journées noires, suivies de journées de remontée. Ce qui est certains c’est que malgré les remontées momentanées, la tendance générale est à une véritable purge. La bulle boursière éclate sous nos yeux.

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«Crise du Covid-19: donner la priorité à la reproduction sur la production»

Article d’Aurore Koechlin, Contretemps. Revue de critique communiste, 18 mars 2020. 

Si la production est sans limites, la nécessaire reproduction vient lui en donner. La crise du coronavirus peut être interprétée dans ce sens.

Ainsi, les mesures du gouvernement face au coronavirus sont révélatrices de la situation de crise que nous traversons. Car même si elles arrivent criminellement tard, précisément parce que les capitalistes ont favorisé pendant de nombreux mois la production sur la reproduction (ici, la santé des travailleurs et des travailleuses), leur niveau de réaction est un indicateur de l’ampleur de la menace.

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«Coronavirus: le soin n’est pas la guerre»

Tribune de Pascale Molinier, Professeure de psychologie sociale, Université Sorbonne Paris Nord, Libération, 17 mars 2020.

Si les ravages immédiats du Covid-19 seront mesurables, en revanche les incidences des carences de care seront plus insidieuses. Ce qu’on appelle le travail de care répond aux besoins primordiaux d’être propre, de manger, de se reposer, d’être rassuré, traité avec attention, comme une personne digne d’être écoutée, blaguée, câlinée… Nombre de personnes fragiles, âgées, handicapées, porteuses de pathologies chroniques vont dans les semaines qui viennent dépendre encore plus étroitement des soignant·e·s de proximité, infirmières libérales, aides à domicile, personnel des institutions gériatriques ou des MAS (maisons d’accueil spécialisées).

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«Covid-19 : un virus très politique»

Article de Patrick Silberstein, Blog Entre les lignes entre les mots, 11 mars 2020.

Une telle crise sanitaire appelle, me semble-t-il, à la fois des mesures de pouvoir et une prise en charge démocratique. Le gouvernement des capitalistes, les destructeurs du service public, les technocrates et les adeptes des mesures liberticides doivent se voir opposer une autre logique. Celle du mouvement social et de la gauche qui ont construit la Sécurité sociale, l’hôpital public et la recherche publique que les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de freiner, de détourner, de démanteler ; sans oublier les alternatives qui ont été produites et expérimentées par ce même mouvement social.

Il est donc nécessaire de dire des choses concrètes qui répondent à la fois aux problèmes réels et à l’inquiétude et qui soient aussi porteuses d’alternatives.

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« L’hôpital ne peut pas fonctionner comme une clinique privée qui choisit ses patients pour optimiser sa plomberie »

Tribune d’André Grimaldi, Anne Gervais Hasenknopf et Olivier Milleron, Le Monde, 11 mars 2020 (réservé aux abonnés).

On découvre, s’il était besoin, l’aberration d’un financement de l’hôpital majoritairement par la tarification à l’activité : l’impossibilité d’avoir des taux d’occupation des lits à 100 %. Oui, il faut disposer d’une structure hospitalière publique assumant d’avoir, en permanence, des lits disponibles. La crise actuelle met en exergue cette nécessité en phase épidémique du coronavirus SARS-CoV-2. Il faut isoler les patients infectés, surveiller les cas peu sévères, mais risquant de s’aggraver, et prendre en charge les formes graves. Et, tout au long de l’année, il faut disposer d’une marge d’activité et de lits disponibles […].

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