Débats sur l’école: les partisans de la démocratisation et de l’émancipation pris entre deux feux

Entre les tenants d’une vision conservatrice de l’école, axée sur l’autorité, et les partisans d’une « modernisation » éducative amplifiant la marchandisation et la mise en concurrence des établissements, le débat sur l’école oscille entre deux postures qui contribuent au maintien d’un système scolaire inégalitaire. Alain Beitone questionne dans ce texte la possibilité d’autres voies…

Les entreprises sont-elles habilitées à éduquer la jeunesse?

Alors même que cette évolution ne fait l’objet d’aucun débat public, les entreprises s’imposent progressivement dans la communauté éducative que ce soit par le développement de formations en leur sein (ex de l’apprentissage) ou par la pénétration de leurs valeurs et modes d’organisation dans le cadre scolaire. Lucie Tanguy revient sur cette inversion politique générale qui tend à rapprocher ces deux mondes, jusqu’alors séparés au nom de valeurs politiques émancipatrices.

Pour une école du commun

Face au modèle d’école néolibéral qui met en concurrence les élèves et les établissements scolaires, transforme l’éducation en marchandise et les institutions scolaires en entreprises prestataires de services individualisés et de valorisation du « capital humain », Francis Vergne nous invite à réinventer, en réactivant un principe d’espérance et un imaginaire émancipateur, la nouvelle école démocratique.

Le soutien scolaire marchand: un produit dopant dans un cadre concurrentiel

Si le soutien scolaire tarifé n’est pas une pratique nouvelle, le développement d’organismes marchands offrant des services déclarés, standardisés et contrôlés de soutien individuel ou en petits groupes est une évolution récente dont l’enjeu ne doit pas être sous-estimé. Dans un contexte d’accentuation de la compétition scolaire, l’angoisse est le premier moteur du recours à ce service pour les familles qui en ont les moyens et qui cherchent à convertir des ressources économiques en titres scolaires…

Des «élèves» ou des «publics scolaires»?

L’expression « public scolaire » est de plus en plus utilisée en lieu et place du terme d’« élèves ». En revenant sur le sens conventionnel de cette expression qui renvoie à l’idée de destinataire et de spectateur, Josiane Boutet interroge cette évolution sémantique.

L’école commune

De la suppression de la mise en concurrence des élèves à la disparition de la différenciation des parcours scolaires en passant par la transmission d’une culture commune « polytechnique » jusqu’à 18 ans, la création d’un « lycée unique » ou encore la reprise en main par les enseignants de leur métier, Jean-Pierre Terrail nous présente ici les traits généraux des propositions du Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire (GRDS) pour une « école commune ».

Pour l’école commune jusqu’à 18 ans!

Pour favoriser une plus grande égalité dans l’accès aux diplômes, sortir d’une politique de tri des élèves et assurer un niveau de formation global plus satisfaisant, Alain Beitone propose d’augmenter la durée de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans afin de permettre à 100 % d’une classe d’âge d’obtenir le baccalauréat. Cette « révolution culturelle » implique des changements de structures et de pratiques d’enseignement.

La menace des notes

L’utilité des notes fait l’objet d’un consensus largement partagé. Fabrizio Butera passe ici en revue les quatre présupposés – ou les quatre M – qui fondent l’argumentaire le plus souvent utilisé pour soutenir cette croyance : mesure, marché, mérite et motivation. En s’appuyant sur les résultats de la recherche scientifique qui existent à ce propos, il déconstruit chacun d’entre eux en montrant qu’ils ne trouvent aucun étayage empirique…

La carte scolaire ou l’entretien étatique des inégalités de scolarisation

En interrogeant l’enjeu de la mixité, Lorenzo Barrault-Stella met en évidence les ressorts d’une politique publique qui, si elle permet d’organiser la scolarisation, structure et légitime la capacité des mieux dotés à s’accommoder des contraintes étatiques et ne prend pas véritablement en compte les ségrégations socio-spatiales et ethno-raciales pré-existantes.

École : un enjeu structurant

Le fait que l’ensemble d’une classe d’âge aille à l’école à temps plein est récent à l’échelle historique. Avant cette conquête sociale majeure, les enfants des classes favorisées, et plus particulièrement les garçons, recevaient une éducation soit par des précepteurs, soit dans des établissements souvent confessionnels. Tel n’était pas le cas pour les enfants des autres catégories sociales, à l’exception des rudiments d’instruction par l’enseignement du catéchisme, en complément de l’éducation diffuse reçue dans le cadre familial et sociétal, puis dans l’apprentissage d’un métier.