L’héritage du «gouvernement représentatif» et ses obstacles à une démocratisation des régimes politiques

Élection, mandat non impératif, liberté d’expression et délibération sont des principes constitutifs de la notion de « gouvernement représentatif ». Tout en explicitant leur contenu historique, Paul Alliès déconstruit ici ces quatre principes normatifs qui correspondent à des croyances partagées aussi bien par les populations que par le personnel politique. Même s’ils se vident aujourd’hui de leur substance, ces principes constituent toujours d’importants obstacles à la démocratisation du pouvoir.

La professionnalisation politique et la démocratie

Si la professionnalisation de la vie politique a historiquement favorisé une certaine diversification du recrutement du personnel politique, elle a aussi entraîné une monopolisation et une autonomisation des activités politiques par ceux qui embrassent cette carrière. Les expériences de démocratie participative ne remettent pas fondamentalement en question la domination de ces professionnels spécialisés. Daniel Gaxie revient sur les contradictions entre la professionnalisation politique et le principe affiché « du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

La démocratie participative: une professionnalisation sans démocratisation

Depuis plus d’une vingtaine d’années, la participation des citoyens est présentée comme une nouvelle norme de l’action publique, notamment locale, supposément destinée à répondre à la « crise » démocratique. Dans les faits, s’il est indéniable que la démocratie participative s’est professionnalisée, celle-ci n’a pas véritablement contribué à démocratiser l’action publique. Alice Mazeaud revient sur l’institutionnalisation de ce standard de l’action publique qui n’a contrarié qu’à la marge les tendances lourdes de l’ordre politico-économique local.

La peur des référendums d’initiative populaire est-elle bien sérieuse?

Alors qu’il existe une demande populaire croissante de démocratie directe, le référendum suscite la méfiance des milieux politiques. Cette méfiance explique que le droit référendaire français pose des conditions drastiques et confère une place minorée aux citoyen.nes. Marion Paoletti revient sur ces résistances françaises qui contrastent avec l’extension et la diversification des pratiques référendaires partout dans le monde. Elle montre l’importance politique et sociétale d’ouvrir largement le droit d’expérimenter les référendums d’initiative populaire.

La légitimité des assemblées citoyennes tirées au sort: quelle institutionnalisation pour la démocratie délibérative?

Dans un contexte de crise de la démocratie représentative, que Dimitri Courant préfère nommer « électocratie représentationnelle », les assemblées citoyennes tirées au sort se multiplient. Face à leur notoriété grandissante, se pose désormais l’enjeu de l’institutionnalisation de ces innovations démocratiques qui permettent aux citoyens ordinaires de délibérer pour produire une « opinion publique éclairée ». Ouvrent-elles la voie d’une radicalisation de la démocratie ou renforcent-elles la délégation de pouvoir ? L’avenir du « nouvel esprit du tirage au sort » est encore incertain.

Que serait la «Cité en commun»? Communs, communalisme et anticapitalisme

Depuis une dizaine d’années, les pratiques et les concepts liés aux « communs » et au « communalisme » (ou « municipalisme») se sont beaucoup développés. Ce qui est en leur cœur est une nouvelle conception de l’agir social qui repose essentiellement sur l’autogouvernement et le partage. Pierre Sauvêtre nous explique le potentiel révolutionnaire de ces approches qui donnent la prééminence à la solidarité et instituent le pouvoir de chacun de décider des règles qui organisent ses lieux de vie, son travail, sa commune, et finalement la société tout entière.

Créer une communauté de justification

Prenant au sérieux l’importance du débat public et de l’échange de justifications en démocratie, Pierre-Étienne Vandamme propose de complexifier la pratique du vote en introduisant le vote justifié. Mobilisable tant pour les référendums que pour les élections, celui-ci ouvre la possibilité de sélectionner, parmi une liste préétablie, les justifications pertinentes de son vote. Stimulation du débat, mise en exergue des enjeux, comportements plus réflexifs ou encore dépersonnalisation de la politique sont quelques-uns des avantages que l’on peut espérer d’une telle innovation démocratique.

Rendre le pouvoir aux citoyens: l’expérience originale de Louviers (1965-1983)

Pendant près de 20 ans, la commune de Louviers a expérimenté de nouveaux modes d’exercice du pouvoir visant à créer les conditions pour que les citoyens co-construisent les orientations et les décisions concernant le devenir de la ville et la vie des habitants. Grâce à son enquête menée dans les archives et auprès des acteurs de l’époque, Hélène Hatzfeld retrace l’histoire de ce projet d’émancipation sociale, politique et humaine qui, malgré ses limites, est riche d’enseignements pour penser aujourd’hui d’autres possibles démocratiques.

Renforcer les moyens d’action du syndicalisme pour garantir une citoyenneté sociale effective

En recentrant les relations professionnelles sur le niveau des entreprises, les réformes successives visant à « rénover la démocratie sociale » renforcent les inégalités entre travailleur.ses et fragilisent la citoyenneté sociale. Karel Yon nous explique en quoi le « dialogue social », loin d’accroître le pouvoir des salariés sur leur travail, devient un outil de gestion au service de la stratégie de l’entreprise et accompagne la restauration de l’autorité patronale. Il fait des propositions pour donner un sens réellement progressiste à la « démocratie sociale » et une effectivité au droit à l’action syndicale.