Du côté des syndicats ; d’un programme à l’autre

Malgré la loi de 1884, attentive à limiter son périmètre d’intervention, le syndicalisme hexagonal n’a cessé de nourrir des ambitions émancipatrices. Cette perspective éclaire l’histoire de ses pratiques et stratégies, leur confrontation aux institutions et aux partis, à commencer par ceux qui se réclamaient de la classe ouvrière. Jaloux de son autonomie, le syndicalisme a ainsi expérimenté de multiples modalités d’engagement politique. À travers la question des programmes, Michel Pigenet propose une relecture des relations entre syndicats et partis.

L’arme syndicale de la lutte politique. Le cas communiste

À rebours d’une tradition française d’indépendance syndicale, l’émergence du mouvement communiste en France, au sortir de la Première Guerre mondiale, remet en cause la division du travail militant entre parti et syndicat. L’objectif est de diffuser une culture syndicale dans les rangs du parti et de promouvoir des dirigeants ouvriers. Julian Mischi revient sur cette histoire riche de leçons sur l’intérêt et la difficulté à articuler engagement syndical et combat politique. Face à une gauche qui peine à mobiliser l’électorat populaire, ce défi est toujours d’actualité.

Syndicalisme et apolitisme

Le syndicalisme dispose-t-il de la possibilité de se tenir à l’écart de la lutte pour le pouvoir ? Sous peine de se désarmer et de se rendre impuissant, il est placé devant l’obligation d’intervenir en évaluant ce que le pouvoir accomplit et en formulant des propositions. Ainsi, si l’« apolitisme syndical » revient de manière récurrente, une approche critique de l’histoire incline à le considérer comme un leurre. René Mouriaux aborde la question « sensible » des rapports du syndicalisme avec les titulaires du pouvoir d’État, en particulier avec les partis politiques et s’interroge sur les principaux facteurs de l’apolitisme syndical en France ainsi que sur sa spécificité par rapport à ses voisins européens et au syndicalisme états-unien.

«Les forces politiques doivent intégrer les exigences du monde du travail»

Caroline Chevé, secrétaire générale de la FSU, rappelle que syndicats et partis politiques n’ont ni les mêmes fonctions ni la même temporalité et que le syndicalisme ne doit pas être la courroie de transmission d’un projet politique élaboré en dehors du monde du travail, mais un espace d’élaboration collective par et pour les salarié·es. Elle défend un syndicalisme de transformation sociale, féministe et engagé dans la lutte contre l’extrême droite. Elle énumère un certain nombre de revendications syndicales qui devraient être prises en compte dans le cadre d’une alliance des partis politiques progressistes, de type « front populaire ». 

«L’avenir est dans le lien, dans le respect de chacun, entre politique, syndicat et mouvement social et associatif»

Face au capitalisme destructeur et à la crise démocratique, Fabien Roussel plaide pour une coopération entre syndicats et partis politiques, sans subordination ni cloisonnement, qui invente des passerelles durables, respectueuses de l’indépendance de chacun. L’enjeu est de construire un rassemblement fondé sur une conscience de classe déjouant les tentatives de division permettant de régénérer la démocratie sociale à partir des citoyens, des territoires et du monde du travail. Ceci dans l’objectif de contraindre les entreprises à prioriser l’intérêt des travailleurs et de la nation.

«Le mouvement syndical a besoin d’une gauche de rupture, seule à même de redonner des droits et libertés syndicales»

Partis et syndicats ont un horizon commun, celui de la reconquête du pouvoir, dans les entreprises, dans l’État, dans la cité, pour une transformation démocratique, sociale et écologique. Pour Aurélie Trouvé, cela demande un travail constant respectueux de l’indépendance de chacun et à l’écoute des autres formes de lutte contre les rapports de domination du capitalisme qui ne résument plus au conflit capital travail. Ces convergences entre mouvement social et politique permettront à une gauche de rupture d’accéder au pouvoir. 

Les rapports syndicats-partis politiques : du «dialogue constructif» à la nouvelle démocratie sociale

Selon Jean-Christophe Le Duigou, le syndicalisme ne doit pas s’affirmer, en lui-même, comme un contre-pouvoir, mais agir pour que les salariés s’emparent des pouvoirs dans le champ social et économique. Il revient dans cet article sur les enjeux du renouvellement du syndicalisme et aborde les liens à tisser avec les partis politiques ainsi que la future démocratie sociale à imaginer. 

Syndicalisme et politique en Allemagne

Le syndicalisme allemand s’est fondé après la Seconde Guerre mondiale sur les principes du syndicat unitaire, l’autonomie et la cogestion qui est au cœur du système de relations professionnelles. Selon Heinz Bierbaum, les syndicats n’en sont pas pour autant apolitiques. Au contraire, les liens avec les partis existent en particulier avec la social-démocratie, ce qui peut nuire à leur combativité. Alors que les dernières élections ont profondément modifié les équilibres politiques, l’auteur plaide pour des syndicats réellement autonomes et offensifs face à la régression sociale et à la militarisation croissante, pour transformer l’industrie et défendre les services publics.

Pour une appropriation politique du «travail vivant»: l’exemple de Renault

Depuis 40 ans, les mutations du capitalisme dans l’entreprise ont désorganisé les collectifs de travail, affaibli le syndicalisme et éloigné les partis politiques, notamment de gauche, du monde ouvrier. Dans cet article, Fabien Gâche explique comment au sein de Renault, l’ingénierie managériale a instauré une domination idéologique du marché et de la concurrence, isolant les salariés et réduisant leur pouvoir d’action. Face à cette dépolitisation, l’auteur appelle à reconstruire des liens entre syndicalisme et politique pour réinvestir le travail comme espace démocratique.

Quelle jonction entre les luttes syndicales et politiques? Le cas des MBF Aluminium à Saint-Claude (Jura) 

Que faire pour lutter efficacement contre la désindustrialisation et pour sauver les centaines de milliers d’emplois menacés en France ? L’économiste Evelyne Ternant, candidate NFP dans le Jura aux dernières élections législatives de 2024, a suivi de près la lutte des salariés de la fonderie MBF contre la fermeture de leur usine de Saint-Claude (actée en 2021). Elle dresse le bilan de cette forte mobilisation, organisée par les syndicats et appuyée par certains partis politiques.